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Éducation

À propos de l'auteure

Karenne Wednesday July 10, 2024

Photo école Soft Moyen  

 Karen Coffman possède plus de 30 ans en enseignement. Elle a fait partie d'une troupe de théâtre à but pédagogique dans les années '90 et fait la tournée des écoles, entre autres, aux États-Unis, au Canada, en France, en Belgique, en Suisse et en Pologne. En revenant de l'Europe à la fin des années '90, elle fonde sa propre troupe de théâtre en Ontario qui a pour but, entre autres, d'enrichir les cours de français de langue seconde dans les écoles primaires. Avec sa compagnie, elle fait plus d'une 50 aines de présentations. Elle fait une année d'études à l'Université de Brock, en théâtre et éducation. Elle interrompt ses études pour enseigner la musique, le théâtre et le français dans une école primaire Montessori au début des années 2000. Ensuite, elle agit comme suppléante permanente dans une école francophone publique primaire de North Bay (ON). Avec ses deux enfants, elle décide de déménager à Montréal pour continuer ses études à UQAM. Elle complète un bac en Animation et recherche culturelles, tout en offrant des ateliers de musique et de théâtre à l'école de quartier en parascolaire de 2005 à 2018. Pendant presque 10 ans, elle est membre et par la suite responsable du comité des parents à cette école. Elle développe ainsi un grand intérêt pour le fonctionnement de l'école et de la politique scolaire. Maintenant mère de 4 enfants, elle continue ses études et obtient une maîtrise en sociologie, son mémoire portant sur la capacité des techniques de création théâtrale à influencer la satisfaction relationnelle dans la famille. Elle termine ses études avec un diplôme de deuxième cycle en pédagogie de l'enseignement supérieur. En n'ayant pas décroché un poste d'enseignement au Cégep comme prévu, elle devient enseignante à contrat dans les écoles primaires. Son expérience dans plusieurs écoles dans plusieurs pays, sa passion pour la pédagogie et le fait d’être issue d’une famille d’enseignants font qu’elle développe un regard critique sur le système éducatif. Elle décide alors de mettre ses pensées en mots dans un essai qu'elle met à la disposition de tous en forme d'un blogue.

Ressources

Karenne Friday January 5, 2024

Voici une liste de quelques ressources intéressantes portant sur l'éducation. 

 

Csikszentmihalyi, Mihaly. 1997. A"nding flow : the psycho/ogy of engagement wi th everyday life Trad . de: English. New York: BasicBooks, 181 p.

Dolto, Françoise. 1985. La cause des enfants Trad. de: French. Paris : R. Laffont, 604 p.

Dolto, Françoise , et Jacques Pradel. 1977. Lorsque l'enfant ParaÎt. Tome 1 Trad. de: French. Paris: Éd. Seuil, 189 p.

Freinet,Célestin, Roger Salengros. Moderniser l'école. Bibliothèque de l'école moderne FeniXX réédition numérique. 84 p. 

Freire, Paulo. 1970. Pedagogy of the oppressed Trad . de : English. New York: Herder and Herder. 189 p

Girard, Marc-André, Une école bien ancrée dans le 21e siècle, Éditions Reynald Goulet inc. 2019. 132 p.

Hatie, John, (2017). L'apprentissage visible pour les enseignants : connaître son impact pour maximiser le rendement des élèves. préface de Monique Brodeur, Claude St-Cyr ; traduction : Marc Denis. Québec (Québec) : Presses de l'Université du Québec. 364 p.

Jasmi, A., Hin, L. Student-Teacher Relationship and Student Academic Motivation. J Interdiscip Res Educ 4, 6 (2014). https://doi.org/10.7603/s40933-014-0006-0

MANIFESTE DES ENSEIGNANTS ET DES ENSEIGNANTES DU QUÉBEC https://manifestedesenseignants.com/

Montessori, Maria. (2017 3 ed) The Absorbent Mind: A Classic in Education and Child Development for Educators and Parents. Claude A Claremont (Traducteur). Oxford University Press. Oxford

Ryan, Richard M. and Edward L. Deci, Self-Determination Theory and the Facilitation of Intrinsic Motivation, Social Development, and Well-Being, January 2000. American Psychologist https://selfdeterminationtheory.org/SDT/documents/2000_RyanDeci_SDT.pdf p. 71

Sirois Alexandre La Presse
https://www.lapresse.ca/debats/editoriaux/2021-02-07/au-quebec-l-education-merite-encore-mieux.php, La Presse, 2021-02-07

Thompson, Edra, Floyd Robinson, Henry Hedges, Leonard Popp. The Maplegrove Story. The Niagara Center Ontario Institute for Studies in Education. 1972. 137 p. chrome-extension://efaidnbmnnnibpcajpcglclefindmkaj/https://files.eric.ed.gov/fulltext/ED085847.pdf

Toulet, E. (2014). La Beauté à la rencontre de l’éducation: Académie internationale de Théâtre pour enfants. L'Harmattan. 244 p.

 

Conclusion

Karenne Friday December 29, 2023

 

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En conclusion, voici mes postulats:

1. Le système doit être repensé au complet : Il faut d’abord se demander pourquoi on doit enseigner et qu’est-ce que nous devons enseigner. Pour cela, il faut des gens courageux pour repenser le système, le pourquoi et le comment. Il faut comprendre que le système actuel est basé sur des principes capitalistes et qu’il n’est pas bâti pour servir l’apprenant. Si on prend au sérieux la mission de rendre l’apprentissage pertinent, accessible et efficace, il faut que la fondation du système soit basée sur ces principes. Nous ne pourrons plus continuer comme on l’a “toujours fait” dans le passé. Il y a eu trop d’ouvrages qui stipulent que le système d’éducation formelle, institutionnalisée et standardisée n'est pas au point alors pourquoi continue-t-on à faire du surplace ? On ne peut plus l’ignorer.


2. L’éducation doit être centrée sur l’élève : Il faut que nous arrêtions de penser que les enfants sont des sous-êtres qui ont besoin d’être corrigés et formatés. Dès que nous aurons enlevé cette notion de notre pensée, nous allons aborder les enfants d’une façon respectueuse, et nous allons engager ces derniers petits curieux dans le processus de leur formation. Autrefois, les femmes étaient considérées comme des sous-êtres, on a changé notre mentalité là-dessus. On est donc capable de changer notre perception de l’enfant. Cela nous amènera au postulat que l’éducation centrée sur l’apprenant est essentielle.


3. L’éducation est relationnelle : L’éducation est plus efficace lorsqu’il y a une bonne relation entre l’apprenant et l’enseignant. L’enseignant doit aborder son enseignement avec passion, et doit aborder ses élèves avec amour; un amour sain, juste et épanouissant.


4. L’éducation est une affaire de tous : L’école a été créée avant tout pour pallier le manque éducatif des parents, notamment en matière de mathématiques et d'écriture. Nous envoyons nos enfants à l’école pour de si longues heures que beaucoup de parents sentent qu’ils n’ont pas assez de temps pour s’occuper adéquatement de leurs enfants. Avec deux parents qui travaillent et mettent tellement d’énergie dans leurs occupations, ils sont débordés et ont de la misère à sortir leurs têtes de l’eau. C’est pour cette raison que je crois qu’une discussion sur l’éducation doit également inclure une discussion sur la société et nos priorités en tant qu’êtres humains.


5. Les besoins criants doivent être comblés avant d’être en mesure d’apprendre : L’école ne peut pas répondre à tous les besoins de tous les enfants. C’est impossible. Certains besoins sont trop grands et trop criants, c’est pour cette raison qu’il faut un partenariat étroit avec les parents et les autres organismes dans la société. L’éducation est plus efficace lorsqu’elle est appuyée par diverses sphères de la vie de l’élève et surtout la famille, comme le dit Bourdieu en parlant de l’Habitus. (1)


6. L’art et la nature devraient revenir au premier plan de l’éducation : La créativité est primordiale dans nos vies pour des raisons innombrables et accompagne la pensée critique. Notre société doit être plus créative et plus critique pour être en mesure de faire face aux défis. Également, nous ne pouvons plus prétendre que la nature n’est qu’un intérêt particulier de certains individus. C’est de ce dont nous sommes faits. C’est notre subsistance. Le manque flagrant de connaissance de base de ce qui nous entoure et ce qui constitue notre existence sur cette planète est déplorable.


7. L’enseignant doit évaluer et se réévaluer constamment : L’enseignant doit mettre l’apprenant au centre de son éducation et évaluer ses approches et son enseignement régulièrement. L’enseignant s’adapte et utilise une multitude de méthodes afin de livrer les notions de plusieurs angles. L’évaluation est un moyen pour l’élève de suivre son progrès et de comprendre ses lacunes. L’enseignement est un dialogue entre l’enseignant, les apprenants, et les apprenants entre eux.

Avec l’éducation, la société en générale doit aussi se remettre en question. Quand j'observe que tant d’adultes sont à bout de souffle, névrosés, stressés, sur des antidépresseurs, et tentent désespérément de joindre les deux bouts, je me demande : "Pourquoi ne pas changer les choses?" Trop souvent on dit : “C’est comme ça” “On ne peut pas changer le système” “Au fond, c’est ce qui fonctionne le mieux.” “J’aimerais changer les choses, mais comment?” Les choses peuvent changer, souvent lentement et avec un effort concentré.

Accepter le statu quo c'est de ne pas concevoir son rôle dans le tout, c’est abdiquer son pouvoir, c’est ne pas constater le pouvoir d’une collectivité, c’est nier que les choses peuvent être autrement et que le bien de notre civilisation est possible. Je prends énormément de leçons du peuple polonais, avec qui j’ai vécu pendant près de deux ans. Ils sont un peuple résilient. Leur histoire est remplie d’invasions, de malheurs et de tribulations et chaque fois ils remontent leurs manches et ne se laissent pas défaire. Après la Deuxième Guerre mondiale, le peuple s’est uni pour prendre les tas de briques qui constituent les vestiges des bâtiments de leur capital pour rebâtir la ville exactement comme elle était. Ils n’avaient presque plus de plans et d’images, mais ils ont reconstruit les anciens édifices à partir des décombres. À tel point que l’UNESCO reconnaît Varsovie comme étant un héritage mondial.

Les humains sont capables de rêver, de réaliser de grandes choses et de changer les choses. Un autre très bel exemple plus près de chez nous est la Révolution tranquille. Les Québécois ont décidé de se donner les moyens de se réaliser et de se défaire du contrôle de l'Église. Ils se sont dit qu’ils en avaient assez de l'oppression des Anglais. Ils se sont donné les moyens de bâtir des systèmes qui leur convenaient. J’ai beaucoup d’admiration pour le peuple québécois et je suis surprise de voir ce dont il est capable lorsqu’il se met à réfléchir et travailler ensemble. Je ne doute pas des capacités de faire autrement. Nous avons un bel héritage. L’éducation doit être un pilier pour bâtir une civilisation forte et épanouie. L’éducation existe avant que les systèmes l'eussent encadré dans des institutions. L'éducation doit être au service de l’âme et de l’esprit du peuple et non seulement au service de l’économie ou des systèmes en place. L’éducation doit être évolutive.

Je pourrais écrire davantage sur ce sujet. Je pourrais citer encore plus d’études qui traitent de l'éducation et qui réclament une réflexion profonde sur son rôle et la façon de l’aborder. Je pourrais raconter beaucoup plus d’anecdotes de mon expérience acquise en tant qu’animatrice et enseignante dans plusieurs pays. Je pourrais inclure un milliers d’histoires de professionnels œuvrant dans le domaine. Cela ne servirait qu'à alourdir l'œuvre. Je souhaite que cet ouvrage soit un échange d’idées. Je souhaite une vraie réflexion, un examen de conscience collective.

L’imagination est un agent de libération et nous permet d’évoluer en tant qu’espèce. Nous ne devons pas être satisfaits de faire les choses comme on a toujours fait parce que c’est comme ça ou ça nous paraît trop difficile de changer les choses. C’est un discours paresseux et fade. L’humain est capable de grandes choses novatrices et créatives lorsqu’elle s’en donne les moyens. Les Québécois ont prouvé maintes fois leur capacité d’amorcer le changement et de penser autrement. Être trop imbriqués dans un système qui ne permet pas le changement est nier notre capacité à grandir et innover. Tant que l’éducation sera conçue que pour accéder à différentes catégories d’emplois, à obtenir le “succès” dont les critères sont le pouvoir et l’argent, tant que l'éducation rime avec compétition capitaliste, le sort de l’humanité demeurera dans les mains des gens qui chercheront à dominer, à contrôler et à obtenir le pouvoir à travers la possession des objets et la domination. Tant que l’éducation ne fera pas vibrer l’âme de l’humain et l’aidera à vivre son plein potentiel en tant qu’humain, l’éducation continuera à servir certains élus qui profitent du système et des humains. Commençons par nous demander quel avenir nous voulons et quelle sorte d’humain nous voulons être. De là, nous pourrons bâtir une éducation riche, épanouissante et pour tous.

(1)“L’habitus désigne un système de préférences, un style de vie particulier à chacun. Il ne relève pas d’un automatisme mais d’une prédisposition à agir qui influence les pratiques des individus au quotidien” https://partageonsleco.com/2019/11/06/lhabitus-pierre-bourdieu-fiche-concept/

Etape finale (pour ce blogue) : L’évaluation

Karenne Friday December 29, 2023

Test (student Assessment)  


Il y a un courant de pensée qui dit qu’évaluer les enfants ne sème que la dissension, la mauvaise compétition et peut nuire à la motivation. Je ne peux pas être plus d’accord qu’une mauvaise utilisation des outils d’évaluation peut être néfaste. Cependant, j’ai eu une épiphanie lorsque j’étais à l’université. J’ai eu l’occasion de suivre un cours sur l’évaluation dans mon programme de deuxième cycle en pédagogie. Moi, qui ne voyais rien de bon dans l’évaluation, je suis devenue adepte des grilles d’évaluation! Le professeur avec qui j’ai fait mon stage au CÉGEP m’a même demandé de l'aider à élaborer ses grilles pour ses cours. Une évaluation formative et continue bien établie qui inclut l’élève est un outil indispensable. Comme le précise l’ouvrage de Hatie, l’évaluation doit inclure l’élève et surtout en amont. On oublie de demander à l’élève ce qu'il connaît. Une évaluation préalable de ses connaissances est révélatrice. Et L'élève doit pouvoir tracer son parcours pour qu’il puisse prendre le contrôle de son apprentissage. On souhaite que les élèves apprennent à apprendre, et prennent eux-mêmes leur apprentissage en main. L'évaluation ne se traduit pas forcément en note et en pourcentage, mais doit être faite régulièrement. Cela aide l’apprenant à comprendre ou il se situe dans son parcours et et surtout, à l’enseignant à savoir quelles notions sont comprises et acquises et quelles ont besoin plus d’être travaillées. L’enseignant profite de la même façon pour évaluer ses méthodes d’enseignement et voir si la matière a été bien comprise.

Je déplore le manque de temps que j’avais comme spécialiste de musique et le nombre infernal d'élèves que j’avais. Comment être efficace et suivre l'évolution de chaque enfant lorsque j’enseigne à plus de 300 élèves ? Comment développer des évaluations récurrentes et régulières avec les élèves lorsque je ne les vois qu’une heure par semaine ? Cette façon d’organiser l’enseignement fait en sorte que les enseignants se résignent à l’utilisation des méthodes qui sont désuètes et ne permettent pas de suivre l'évolution des élèves. Ça ne permet pas de transmettre les notions de façon adéquate.

Certains programmes ou écoles alternatives omettent l’évaluation au primaire. Je comprends bien cette mentalité puisque l'évaluation a souvent été utilisée de façon abusive. Lorsque j’enseigne la musique au primaire, je ne vois pas la pertinence d’évaluer les élèves de 1re et 2e années. Lorsque l’évaluation sert à concurrencer les élèves entre eux c’est qu’elle a perdu son sens objectif qui est de donner à l’élève le moyen de suivre ses progrès.

Souvent, la préoccupation des notes est exacerbée par les parents. Lorsque j'ai donné un projet à mes élèves de 3e année de fabriquer un instrument de musique, certains parents préoccupés m’ont écrit : "comment est-ce que mon enfant peut construire un instrument?", "Les élèves qui ont des outils ou que leurs parents aident vont avoir surement de meilleures notes…”, etc. Ce que les parents ignoraient était le but pédagogique du projet. Mon but comme enseignante n’était pas qu’ils réussissent à construire un instrument prêt à être vendu sur le marché et utilisé par des musiciens professionnels. Le but était d’explorer le son à travers différents matériaux. Les élèves pouvaient amener leurs matériaux à l’école et, ensemble, on a martelé, collé, bricolé et essayé de différentes manières pour créer du son. Avec une grille d’évaluation claire, les apprentissages recherchés explicitement communiqués aux élèves, seuls les enfants qui ne sont pas investis dans leur projet ont reçu une note plus basse que la moyenne. Même les élèves pour qui leur expérience n’a pas eu les résultats escomptés, mais qui étaient capables de décrire leur démarche ont réussi l’objectif pédagogique du projet. Donc, leur évaluation en tenait compte.

L’évaluation sert également à s’autoévaluer comme enseignante. Je veux savoir à quel point mon enseignement est compris par les élèves. Je dois constamment me renouveler, varier mes approches et remettre en question mon efficacité. Si je n’ai aucun moyen d’évaluer mon efficacité, je risque de ne pas rejoindre mes élèves et de stagner. Je milite davantage pour l’évaluation formative. Évidemment, je me rallie derrière la grande majorité d’enseignants et de spécialistes qui cherchent à abolir les évaluations ministérielles! Je n’aborderai pas le sujet ici sauf pour dire que c’est un fléau dans le système et un grand stress inutile pour les enseignants et les élèves. L’éducation est d’abord et avant tout pour l’apprenant et ne devrait JAMAIS être au service du système.

C’est utile pour l’apprenant et l’enseignant d’avoir une forme de suivi afin de constater l’évolution des apprentissages et de voir comment ils sont réinvestis. Ce sont souvent les parents qui cherchent à comprendre l’évolution de leurs enfants et réclament un système chiffré qui simplifie le processus pour eux. Lorsque le gouvernement a aboli les notes chiffrées, c’est suite aux cris des parents qu’il l’a réintroduit. Un chiffre ne donne pas une image claire ou complète du processus et de l’évolution de l’élève surtout dans les premières années de l’expérience scolaire de l’enfant. Trop souvent une évaluation chiffrée n’est qu’une source de stress, de comparaison et de démotivation.

Le sujet d’évaluation peut créer des factions puisque certains y tiennent mordicus tandis que d’autres le rejettent intégralement. Néanmoins, il y a tellement de façons créatives et variées d’effectuer l’évaluation. Le fait de réinvestir un apprentissage dans un projet ou une présentation est une façon de vérifier si les apprentissages ont été absorbés. Il y a une place pour l’évaluation, mais celle-ci doit être juste et axée sur l’apprenant ; elle sert tant l’enseignant que l’élève.

L’enseignant, c’est qui?

Karenne Friday December 29, 2023

Flickr 7403731050  

Lorsque nous parlons d’enseignant, nous avons une image en tête; souvent c’est l’image d’une femme ou d’un homme debout devant une classe remplie d’élèves assis derrière des pupitres en rang. On voit également le tableau en avant de la classe et il y a un gros bureau derrière lequel elle ou il s’assoit lorsqu’elle ou il n’est pas debout devant la classe. Vous n’avez qu’à taper le mot enseignant dans le moteur de recherche de Google, sélectionnez “images” et vous verrez que l’idée que nous avons de la classe et surtout de l’enseignant est presque universelle. Y a-t-il une autre façon d'envisager un enseignant?

L’enseignant, ici au Québec, doit avoir son brevet afin d’être légalement qualifié pour enseigner dans les écoles. Or, avec la pénurie d' enseignants, il y de plus en plus de personnes qui peuvent remplacer un enseignant pendant une certaine période ou à contrat pendant toute l’année si nécessaire. Au Québec, on ne reconnaît pas l’expérience de la personne ni d’autres études. Mais, je me demande si c’est vraiment le diplôme que fait l’enseignant? Certains disent que l’enseignante ne fait pas assez d’années d’études, qu’elle devrait avoir les meilleures notes à l’école, que tout cela fera d’elle une vraie experte et apportera une plus grande reconnaissance de la profession. Je ne suis pas certaine de cela. J’ai eu l’occasion de côtoyer des enseignants pendant longtemps et ce qui distinguait une bonne enseignante d’une mauvaise n’était pas ses années d’études, son Q.I. ou ses résultats académiques. Ce qui faisait d’elle une bonne enseignante était sa passion pour la profession, pour l’apprentissage, pour les humains et pour sa matière. Hatie le résume bien :

Prenons, par exemple, l’expression de la passion pour l’enseignement et l’apprentissage. Stelle souligne que la passion n’a rien de mystérieux: elle est liée au degré d’enthousiasme manifesté par l’enseignant, à l'ampleur de son engagement envers chaque élève, l’apprentissage et l'enseignement en tant que tel …“Ces enseignants sont fondamentalement convaincus que l'apprentissage des élèves est leur responsabilité et ils s’efforcent de toujours faire mieux chaque jour.” (Stelle, 2009, p 185)...la plupart d’entre nous se souviennent de nos enseignants préférés parce qu’ils tenaient profondément à ce que nous partagions leur passion et leur intérêt pour leur matière. Ils semblaient redoubler d’efforts pour s'assurer que nous comprenions; ils acceptaient nos erreurs et en tirent des leçons; et ils se réjouissaient lorsque nous parvenions à atteindre les critères de réussite. (1)

J’en conclus que ce sont des qualités qu’une personne peut avoir même si elle n’a pas étudié pendant 4 ans dans un programme d’enseignement. La personne qui enseigne à l’apprenant peut le faire sans être un enseignant attitré et diplômé. Même si certains penseront que les enseignants ne sont pas suffisamment diplômés, l'expérience acquise sur le terrain et l'expérience de vie sont encore plus essentielles pour parfaire un enseignant. La personne qui nous enseigne peut être une personne significative dans nos vies sans que cette personne ait reçu son diplôme en enseignement. Quelqu’un avec qui l'on a une bonne relation va nous “enseigner” plus facilement que les autres qui n’ont pas une relation avec nous. Je veux dire par cela qu'un voisin gentil et intéressé pourrait facilement devenir l’enseignant par le fait qu’il maîtrise une connaissance quelconque et qu’il a une bonne relation avec nous. On apprendra sûrement quelque chose lorsqu’il nous parlera de sa haie parce qu’il en sait quelque chose et a réussi à travers les années à cultiver sa haie avec brio, mais aussi que nous avons une bonne relation avec lui. Il n’a pas fait 4 ans d’études pour savoir comment transmettre ses connaissances, il a seulement acquis des connaissances d’une façon ou d’une autre et il est entré en relation avec son voisin et a communiqué sa connaissance. Une bonne partie des connaissances transmises se font de cette manière.

Un parent ne peut pas tout connaître. Un enfant a besoin d’autres ressources pour parfaire ses connaissances. Beaucoup de parents se plaignent parce que l’école n’enseigne pas ci ou ça à son enfant, mais est-ce vraiment à l’école de transmettre tous les savoirs? Ma pensée est que, en tant que parent, je suis le premier responsable de l’éducation de mes enfants. L’école, tel qu’elle existe actuellement, est là pour pallier les manques et offrir un milieu où l’enfant peut socialiser et développer certaines compétences lui permettant d’intégrer la société. Nous arrachons les enfants de leurs parents pour les mettre dans un système pour que les parents puissent aller gagner de l’argent et faire rouler l’économie. Cependant, comme je l'ai déjà mentionné, ce qui est ressorti de mes recherches à la maîtrise était que les familles souhaitent passer davantage de temps ensemble. Parfois on entend à la blague que les parents sont contents que leurs enfants soient pris en charge par d’autres, car ils n’en peuvent plus de leurs progénitures. Cette vérité partielle est souvent le résultat paradoxal de ne pas passer assez de temps ensemble. Le fait que nos enfants nous énervent et que l’on a hâte qu’ils retournent à l’école est souvent parce que nos enfants veulent tellement notre attention comme parent et nous, comme parent n’avons pas assez de temps pour eux. On court partout, on fait ci et ça. En semaine, l'horaire est chargé : réveille, court, école, travail, maison, souper, bain (je n’ai jamais compris le concept québécois du bain quotidien, mais bon, il semblerait que c’est nécessaire chaque soir) et dodo. Comment peut-on dire que l’on a passé du temps de qualité avec nos enfants pendant la semaine? C’est impossible. Le temps passé ensemble est effréné, rempli de stress.

Autrefois, beaucoup de familles à l’extérieur des grandes villes vivaient encore sur les fermes. Là, toute la famille était occupée à réaliser les tâches connexes sur la ferme. Ils n’avaient donc pas de trajet pour aller au travail, les enfants voyaient suffisamment leurs parents, et les parents et les enfants développaient une relation à force d’être toujours ensemble. Les parents apprenaient à leurs enfants les astuces de la vie par le fait de passer du temps avec leurs enfants et les enfants écoutaient, suivaient et imitaient leurs parents. On peut faire l’argument que les apprentissages étaient peut-être très limités et de bases, en même temps, une fois adultes, ces enfants avaient développé des habiletés pour la vie autonome. Il y a un manque de cette forme de transfert de connaissances puisque beaucoup de parents n’ont pas le temps de le faire et l’école s’occupe rarement de ce genre d’apprentissage. Je ne dis pas que l’on doit tous retourner à la ferme ou que c’était mieux dans le bon vieux temps, mais il y a certainement quelque chose d’important dans cette forme de structure qui permet aux parents et aux enfants de développer davantage leur relation, permettant aussi aux enfants d'acquérir les connaissances de leurs parents et d’avoir l’attention tant désirée de leurs parents.

Lorsque je travaillais dans les CPEs, je me souviens d’un couple qui déposait leur enfant de 8 mois très tôt le matin et revenait très tard le soir pour chercher leur enfant. Cet enfant paraissait bien adapté, elle ne pleurait pas trop, elle était souriante et suivait la routine très bien, mais,elle a pris du retard dans son développement moteur et langagier. Il n’y avait personne pour s’asseoir avec elle, passer du temps un à un et jouer ou jaser avec elle. À la garderie, les besoins de bases sont pris en charge, mais c’est plus difficile pour une éducatrice de passer le temps, un à un avec un tout petit bambin pour favoriser le développement. Selon moi c’était un exemple flagrant de l’importance d’une bonne relation pour apprendre. Lorsqu’il y a une relation plus étroite, un enfant apprend mieux. Comme indique l’étude : “In the words of the distinguished developmental psychologist Urie Bronfenbrenner: ...in order to develop normally, a child requires progressively more complex joint activity with one or more adults who have an irrational emotional relationship with the child. Somebody’s got to be crazy about that kid.” (2) Un enfant qui se sent juste comme un numéro parmi plein d’autres aura tendance à avoir de la misère à acquérir certains apprentissages. J’affirme avec certitude qu’un parent qui ne prend pas le temps de connaître son enfant jeune ne retrouvera pas ce temps lorsque son enfant sera grand.

Un enfant très social va chercher lui-même à bâtir la relation et on voit que ces enfants proactifs sont souvent plus vites à acquérir certains apprentissages. Un enfant qui reste en retrait pourrait avoir plus de misère à apprendre. Un enfant trop docile et trop coopérant n’est pas forcément un meilleur élève est n’est peut-être pas en train d’apprendre adéquatement. Souvent ces enfants sont plus gênés et ne vont pas chercher à créer des relations avec autrui alors il ne va pas atteindre sa pleine capacité si on ne va pas le chercher.

On constate à travers des études que la relation avec l’enseignant est importante, mais également la relation avec les pairs. Les enfants vont s’encourager, s’entre aider, se stimuler et partager leurs connaissances “Un message important qui ressort de la recherche de Shayer concerne le rôle des enseignants. Ceux-ci doivent veiller à structurer l'apprentissage de manière à ce que les élèves puissent apprendre par eux-mêmes et conjointement avec leurs pairs…” (3)

Un enseignant n’est pas forcément quelqu’un qui a étudié longtemps la pédagogie ou qui a lu beaucoup de livres sur le sujet. On dit souvent que l'enseignement est une vocation. Je le crois aussi. Souvent, un vrai enseignant est quelqu’un qui possède ces aptitudes depuis un jeune âge. C’est plus qu’une profession, c’est une façon d’être. Mon père a été enseignant à l’école pendant très peu de temps, par contre, il est un vulgarisateur naturel. À 80 ans, il est encore en train de donner des ateliers qui portent sur l’apiculture aux grands et aux petits. Il sait s’adapter et il sait construire son matériel pour captiver l’intérêt de son apprenant. Il a l'habileté de communiquer des notions, surtout sur la nature et sur la vie qui nous entoure. Je vois même de jeunes enfants avec le profil d'enseignant. Ils vont prendre le temps avec un autre enfant pour lui montrer des choses. Ils entrent en relation avec l’autre et semblent avoir le tour avec son élève.



Même si toute personne avec la passion pour le métier ou le tour de vulgariser peut être enseignante à presque n’importe quelle âge, il est crucial que l’enseignant ait une expérience de vie quelconque. Une enseignante, sortie fraîchement de l’école qui a suivi un parcours traditionnel; secondaire, CÉGEP, université et ensuite entrée sur le marché du travail, n’a pas vu grand chose de la vie. Elle a ses connaissances académiques, mais elle n’a pas beaucoup d’autres expériences et à partager avec ses apprenants. Elle sera moins riche en expérience de vie que quelqu’un qui a vécu un peu plus. Plusieurs enseignants stimulants et enrichissants que j’ai connus personnellement ou côtoyés dans mon parcours professionnel ont poursuivi une carrière en enseignement plus tard dans leur vie. Je constatais une grande différence entre eux et ceux qui ont suivi un parcours plus traditionnel et qui n’avaient pas beaucoup d’expérience de vie. Généralement, ils étaient plus patients, pouvaient mieux relativiser, avaient d’autres expériences sur quoi puiser pour enrichir leurs enseignements et ils avaient plus de confiance en eux. En Ontario, et dans d'autres provinces, ceux qui veulent aller en enseignement doivent d’abord obtenir un baccalauréat et ensuite ils poursuivent leurs études en faisant un baccalauréat en éducation en une ou deux années. Au moins l’enseignant va avoir vu d’autres sujets que l’enseignement au cours de son éducation postsecondaire.

On peut aller à l’école pour apprendre certaines techniques d’enseignement, les courants, les méthodes et comprendre le “système” mais, l’essence d’un enseignant est à l'intérieur de la personne et beaucoup du savoir-faire est appris sur le tas. Des échanges avec d’autres qui ont un rôle d'enseignant s'avèrent utiles et essentiels, mais formaliser l’apprentissage de l’enseignement n’est pas ce qui donne les meilleurs enseignants peu importe le nombre d’années d’études ou le contenu du programme. La formation continue est plus utile, puisqu’elle permet aux enseignants déjà actifs d’échanger, d’approfondir leur connaissance dans le métier, de remettre leurs pratiques en question et d’acquérir d’autres astuces pour les aider dans leur métier. Laissons les enseignants naturels enseigner et cherchons tous à être un peu enseignant par notre patience, par notre relation avec l’autre et par notre humanité.

(1) Hatie, John, (2017). L'apprentissage visible pour les enseignants : connaître son impact pour maximiser le rendement des élèves. préface de Monique Brodeur, Claude St-Cyr ; traduction : Marc Denis. Québec (Québec) : Presses de l'Université du Québec. p.43

(2) National Scientific Council on the Developing Child. (2004). Young children develop in an environment of relationships. Working Paper No. 1. Retrieved from http://www.developingchild.net p.1

(3) Hatie, Ibid, p.137

Étape venant après l’étape précédente: Apprendre oui, mais apprendre quoi?

Karenne Friday December 29, 2023

Mathematics Lecture At The Helsinki University Of Technology  

Vite, récitez la table de 12! Conjuguer pour moi le verbe "abstenir" au subjonctif. Quelle est la racine carrée de pi ? Quand est-ce que Christophe Colombe est censé être arrivé en Amérique du Nord? Comment appelle-t-on une solution dans laquelle les substances ne se mélangent pas? Quelle est la capitale de l’Ecuador?

Ce sont des choses que nous avons apprises à l’école. Ah, que nous aimons faire des quiz avec ce genre de question. On veut que tout le monde puisse avoir les mêmes bases. On veut donner les mêmes chances à tous. C’est le meilleur des systèmes. Au fait, c’est comme ça.

La décision de ce qui devrait être enseigné est prise par des gens dans des bureaux, souvent détachée de la réalité des enseignants, des élèves et des recherches. On se base souvent sur ce qui a été fait dans le passé et aussi sur les besoins du marché du travail. Mais qu’est-ce qui est important de savoir? C’est probablement une des questions les plus controversées lorsqu’il s'agit de l’éducation: qu’est-ce qui devrait être enseigné ? “...nous privilégions les compétences verbales et numériques aux dépens des habiletés kinesthésiques, musicales, sportives, etc .... De plus en plus nous devons être capables d’évaluer et de synthétiser et avoir une intelligence sociale de haut niveau .... aussi être capable de réfléchir, d’évaluer et de communiquer sa réflexion…” (1)

Je ne prétends pas répondre à cette question, mais je souhaite que l’on se la pose sérieusement et collectivement. En France, en 2000, les ministres de l’Éducation nationale ont déclaré avec fierté que les écoles devraient enseigner plus de culture et d’art. “...il ne faut plus considérer l’art comme le supplément d’âme du système éducatif, la matière à pratiquer après toutes les autres, et sacrifiée aux savoirs considérés comme plus «fondamentaux». Cette opposition, cette hiérarchisation doivent disparaître. Le plan propose de donner aux arts et à la culture une place centrale dans notre système éducatif.” (2) De beaux mots, de belles paroles, qui sont tombées sur des oreilles sourdes, comme beaucoup de beaux mots de nos chers politiciens. Les arts sont ce qui nous définit comme être humain. Nous sommes tous créateurs à différents niveaux. Est-ce que nous perfectionnons ou même explorons ces habiletés? Est-ce que nous leur donnons de l’importance dans notre société?

Il y a beaucoup de choses à apprendre, et l’école n’a choisi qu'une infime partie. On sait que l’histoire est enseignée par les gens qui la construisent. Je déplore la façon dont on enseigne l’histoire autochtone au Québec. Heureusement nous avons décidé d’inclure cette culture dans l’enseignement de l’histoire dans les écoles, mais l’histoire de ce peuple est enseignée par des gens non autochtones, d’une perspective non autochtone, avec des dates, des cahiers d'exercices, des coutumes observés, des faits relatés par les anthropologues. Quelle honte! Nous étions deux professeurs dans une classe de 3e année. J'enseignais la géométrie et l’histoire. Ma collègue a fait appel à des gens issus des Premières Nations qui parlaient de leur histoire chaque semaine aux élèves. Les élèves étaient emballés par l’expérience et me racontaient tout ce qu’ils ont appris et vécu à travers le récit de ces personnes. L’apprentissage était beaucoup plus riche et immersif que si je le racontais à ma façon à partir d’un manuel.

À l'école primaire en Ontario, mon enseignant d’histoire de 8e année emmenait sa classe dans un village Iroquois pour y rester deux nuits à y vivre comme dans le temps. Cette expérience ne donnait pas une vision adéquate de la situation actuelle des Premières Nations, mais au moins il y eut une tentative de comprendre le mode de vie des peuples iroquois et c’était une leçon vécue et non seulement racontée dans un livre. Malheureusement, faute de fonds et de la charge de l’organisation, il ne faisait l’expérience qu’une année sur deux. J’étais dans l’année qui n’allait pas faire le voyage. Quelle déception! Je voyais comment les enfants qui ont eu cette expérience revenaient avec une meilleure compréhension du peuple autochtone et de la vie de l’époque. Je n’entends que des soupirs et des grognements des élèves au Québec qui doivent entendre la même histoire pendant plus de 8 ans relatés de façon fade et sans imagination. Les enfants issus du système québécois n’ont plus le goût d’entendre parler de l’histoire des colons et des autochtones tellement c’est mal enseigné. Dans le livre La Beauté à la rencontre de l’éducation, Elisabeth Toulet raconte son expérience interculturelle dans laquelle elle s’est liée avec des élèves des Premières Nations au Québec, des Québécois non aborigènes et des Français pour créer un film de fiction qui raconte l’histoire autrement.

“...le film fut entièrement réalisé par des équipes mixtes d’Amérindiens et de Français…et nous fit travailler deux ans ensemble. Plusieurs jeunes de Pessamit apprirent à manier une caméra : ils étaient très adroits sur le plan technique et leurs prises de vue révélèrent vite…qu’ils savaient "regarder'' … Le tournage du film Tshil Nuitcheuakan, Toi, mon ami que nous avons traduit en français par l’Avenir de l’homme dan les yeux d’un enfant, commença à Pessamit en août 1985…avec cent cinquante enfants atikamekw et montagnais, vingt enfants français accompagnés par Jean Peslherbe et soixante-dix élèves québécois d’un collège de Témiscouata qui pénétraient pour la première fois avec leurs professeurs dans un village amérindien. ..Cette vie commune qui avait porté la création artistique me semblait si naturelle que je voulais l’inscrire désormais dans notre formation…or je ne croyais pas possible de le faire dans le contexte scolaire avec un nombre trop important d’enfants…l’ambiance scolaire m’avait semblé souvent contradictoire avec une démarche artistique.” (3)

Le film a eu un impact sur les participants qui ont pu vivre une expérience unique. Malheureusement, ce n’était qu’une expérience unique. Pourquoi n’avons-nous pas recréé l’expérience maintes fois? Pourquoi ce genre de rencontre interculturelle entre Québécois et Premières Nations n’est-il pas récurrent?

J’ai eu l’occasion de lire des livres et des essaies écrits par de grands penseurs qui répandaient leur vision révolutionnaire de l’éducation, je suis surprise de voir que, malgré toutes les études, tous les projets pilotes, toutes les idées audacieuses, l’école au Québec et dans d’autres régions dans le monde, fait du surplace ou, du moins, ne prend que de très petits, petits pas hésitants vers l’avant.

La question demeure, que devons-nous apprendre à l’école. Autrefois, dans plusieurs sociétés nord-américaines, l’école ne durait qu’une demi-journée afin de pouvoir permettre aux enfants d’aller travailler le reste de la journée à la ferme, et elle ne s’occupait que d’enseigner les bases de la mathématique et de la langue. Sans vouloir retourner dans le passé ou dire que c’était mieux dans le temps, il faut réexaminer cette institution et son rôle dans notre société. Maintenant, on demande à l’école de s’occuper de tous les apprentissages, le savoir-être autant que les savoirs de base des enfants. Les parents ont délégué leur rôle, ils s’attendent à ce que l’école éduque et élève leurs enfants. Récemment, j’ai lu dans un article de journal que l’on demande même aux enseignants et aux éducatrices d’apprendre aux jeunes enfants comment se brosser les dents. Les rôles méritent d’être re définis.

Une des choses à avoir en tête est comment favoriser les enfants issus de familles culturellement et économiquement dépourvues. Donc, une école où les moyens éducatifs sont variés, intéressants, immersifs et riches culturellement réussira à réduire le schisme entre les diverses strates socio-économiques. C’est là que l’école peut combler certaines lacunes. Par contre, plusieurs organismes peuvent contribuer à combler les manques. J’ai eu l’occasion de travailler dans un centre communautaire qui offrait des services pour les jeunes dans un quartier défavorisé. Là, les enfants viennent pour faire des activités, recevoir de l’aide avec leurs devoirs, cuisiner ensemble et explorer leur communauté. Les animatrices et animateurs sont présents pour assurer le bien-être des enfants, mais aussi pour favoriser leur sentiment d’appartenance. Comme il est souvent dit, ça prend un village pour élever un enfant. La notion du village est essentielle puisqu’elle soulève l’idée que nous avons tous une influence sur les gens qui nous entourent et que nous pouvons participer à l’éducation de la prochaine génération et que nous bâtissons ensemble la communauté.

Dans tous les cas, repenser l’éducation veut dire que les enfants issus des milieux désavantagés seront soutenus. Repenser l’éducation devrait faire en sorte que tous les enfants aient plus de chances et aient accès à plus de ressources.

A Bumblebee A Curious Child (214083229)   

La Nature

Avec le temps, nous nous sommes distancés de la nature qui nous entoure. Pourtant, c’est ce qui garantit notre subsistance. Quel enfant sait à quoi ressemble un plant de patates? Qui connait le rôle des arbres et des plantes dans notre vie et notre existence? Quel enfant saurait comment subsister à ses besoins plus tard à partir de la nature? Non, il saura comment être un bureaucrate, ou comment maximiser le rendement et les profits d’une petite ou grande entreprise. Il saura comment bien rédiger une lettre d’application, mais il comprendra peu la terre sur laquelle il vit. La nature est essentielle à notre survie, mais que savons-nous vraiment d’elle, nous, les citadins ? Il y a tellement de choses à apprendre de la nature. Pourtant, le temps alloué à l’étude de la nature ou dans la nature est minime.

Ici, il ne s’agit pas d’une discussion sur les changements climatiques et l’avenir de la planète. À mon avis, ce dialogue n'est pas aidant. Cette initiative n’a pas fait progresser la cause et n’a fait que banaliser le sujet. Elle a plutôt servi à développer l’anxiété environnementale. Malgré tous les débats médiatiques sur l'environnement, la terre n’est toujours pas étudiée à l’école. Si les gens comprenaient qu’ils vivent sur une planète et qu’ils doivent en prendre soin comme ils prennent soin de leur corps, de leur maison, de leur chambre et de tout ce qu’ils aiment, il n’y aurait pas de débat sur l’environnement et sur les conséquences néfastes de ne pas le protéger. On enseigne plutôt à calculer pour gérer une entreprise avec le plus de gains et le moins de pertes. J’exagère un peu, mais c’est pour démontrer à quel point c’est ridicule d'écarter la nature de l’éducation. Les élèves devraient passer plus de temps dehors qu’à l’intérieur dans toutes les saisons. Ils devraient pouvoir comprendre comment planter un jardin. Ceci est encore plus important en ville lorsque les enfants sont détachés de la terre et de l’agriculture. Ils devraient comprendre le cycle de la vie. Ils devraient apprécier la température, les arbres, les insectes, etc. Ils devraient tous savoir ce qu'est un dépotoir et comment nos déchets sont traités. Au lieu de cela, les jeunes enfants croient que les déchets disparaissent par magie: “Out of sight, out of mind” comme dit le dicton anglais. On devrait prendre le temps de créer un lien avec notre terre et ce pas seulement lorsque tous les autres sujets sont finalement enseignés.

L’étude et l’appréciation de la nature n’est pas seulement un sujet pour les passionnés, c’est un sujet pour tous ceux qui habitent sur la planète. Ne serait-il pas utile de comprendre là où nous vivons et de savoir comment prendre soin de l’air, de l’eau et de ce qui est sur la terre? Ce n’est pas un cri d’une fanatique, c’est logique, évident, du vrai bon sens.

BetterSharingWithAI  

L’art

Je reviens à l’art. La nature est une œuvre d’art en constante évolution. Nature est art et art est nature et nous sommes nature. Nous sommes tous art. L’art sait nous stimuler, nous provoquer, nous émouvoir. L’art est plein d’amour, le désir d’aimer et d’être aimé. Une éducation sans art n’est que chiffres et lettres. Les chiffres et les lettres n’ont ni art ni amour, mais sont primordiaux dans la communication de l’art et l’amour. Cependant, souvent on enseigne les chiffres et les lettres avant d’enseigner l’art et l’amour. Pourtant, si on commençait avec ces deux concepts-là, l’élève chercherait les lettres et les chiffres afin de communiquer leur art et leur amour. L’art stimule l’imagination et la créativité qui sont des aspects essentiels pour une vie pleine, pour une vie saine, pour sortir du pétrin, pour résoudre des problèmes, pour toutes sortes de choses.

Rudolf Steiner a créé une façon d’aborder l’éducation et c’était à travers l’art. Ce n’était pas de traiter l’art comme une matière à apprendre comme les langues ou les maths, mais c’était le moyen par lequel apprendre. L’école, selon Steiner, devrait être un lieu de créativité. Même si je ne partage pas toujours ses idées sur d’autres sujets comme l'anthroposophie, je suis d’accord avec lui sur ce point. On peut tout apprendre à travers les arts. À travers l’art visuel, on développe le sens de la forme, la motricité fine, la géométrie, l’esthétique et plus encore. De la musique, on apprend la langue, les mathématiques, la culture, et plus encore. À travers l’art dramatique, on apprend sur l’humain, sur nous-mêmes, sur l’expressivité, sur la langue, sur l’histoire et plus encore.

Ma première fille est allée dans une école spécialisée en art dramatique. Ils passèrent une grande partie de leur semaine à apprendre sur l’interprétation, sur l’art dramatique et l’histoire du théâtre. Elle n’avait pas trop l’intention de devenir actrice, mais, elle a choisi ce parcours parce qu’elle avait une affinité pour cet art, l’école était à proximité et ça lui paraissait plus stimulant qu’un parcours régulier. Certains voient ce choix comme un choix qui peut être amusant, certes, mais ne formera pas adéquatement les jeunes. Au contraire, lorsqu’elle était au CÉGEP, elle et ses camarades du secondaire, peu importe leur CÉGEP choisi, ont constaté qu’ils avaient acquis des connaissances profondes en histoire et en littérature contrairement à la plupart des autres étudiants. Lorsque les profs évoquaient, par exemple, Ionesco ou une époque historique quelconque, les élèves ont non seulement entendu parler une fois en classe par leur enseignant, mais ils les ont étudiés, décortiqués, répétés et joués sur scène! Ils ont ingéré tout cet apprentissage sans même en être conscients qu’ils apprennent, et ils le faisaient avec plaisir, pour la plupart.

La musique c’est le son de notre âme. Toute culture a sa musique propre à elle. La musique fait partie de l’expérience humaine. L’expression musicale fait appel à plusieurs sphères du cerveau. Dans le langage formel de l’éducation au Québec, on parle d’apprentissage en termes de compétences. La musique fait appel à plusieurs compétences. Plusieurs études font l’énumération des bienfaits de la musique, ou encore les parties du cerveau stimulées en écoutant la musique ou en faisant de la musique. Les recherches sont concluantes, la musique a des effets positifs sur l’humain. Pourtant, beaucoup d’écoles au Québec n’optent pas pour l’enseignement de la musique parce que c’est plus coûteux comme option artistique et qu’il est difficile d'obtenir des spécialistes. Parfois même lorsque c’est offert, le cours est appauvri et est réduit à l’enseignement de la théorie et quelques chansons chantées ou pire, jouées sur les flûtes à bec. Je disais à mes élèves lorsque j’enseignais la musique que le cours de musique est le plus important et que les élèves devraient avoir la musique la moitié du temps à l’école. Ils étaient d’accord avec moi, mais peut-être pas pour les mêmes raisons. À travers la musique les élèves concrétisent les notions mathématiques, la langue, l’expression, l’histoire et j’en passe. Mais, même sans parler des compétences, des connaissances ou des notions, la musique fait partie intégrante de notre ADN et ne devrait jamais être considérée comme un détail ou un accessoire. “Researchers have shown that practicing music for a longer period of time increases connectivity of the corpus callosum thus strengthening communication between both hemispheres and, more so, appealing to connectivity in the ventro-lateral (VL-PFC) and medial prefrontal cortex (M-PFC) (Zuk et al., 2015)” (4)

Les bienfaits d’apprendre à travers l’art sont innombrables. Il est impératif que les enfants puissent utiliser leur créativité pour absorber les apprentissages. L’apprentissage n’est pas seulement d’ordre alphabétique ou numérique, mais entier et global. “Cultiver cet instinct d’intérêt pour le monde, pour l’autre, dès l’enfance, grâce à l’activité artistique développe l’intelligence mieux que le travail purement intellectuel.” (5) dit Elisabeth Toulet en parlant de l’ouvrage Roger Cousinet, Une pédagogie de la liberté de Louis Raillon. Beaucoup a déjà été écrit sur l’apport de l’art et la créativité dans l’éducation et les études ont fait leurs preuves. Bien que je conteste les postures religieuses de Steiner, sa propension pour l’art et la créativité dans l’éducation est progressive et bien documentée. Malgré cela, on trouve encore aujourd’hui des systèmes et des enseignants qui ont recours à des formes plus intellectuelles de l’éducation et des méthodes plus traditionnelles favorisant le magistral et le par cœur. Ceci est déplorable et inacceptable en sachant tout ce que nous savons sur l’enfance, l’éducation, le développement de l'humain, l'art et la créativité. Cette erreur est encore commise parce que l’art et la créativité sont associés à un manque de discipline. Au contraire, l’art et la créativité requièrent une discipline accrue. L’erreur est de confondre discipline avec une conformité silencieuse et robotique.

Souvent ce manque d’emphase sur les arts est dû au manque de temps puisque les enseignants ont des exigences ministérielles très précises. Si nous n’enseignons que ce qui est exigé dans les évaluations du ministère, nous allons perdre la richesse de ce que l’école peut offrir à un enfant. Les études empiriques se multiplient partout dans le monde pour prouver l’importance de l’art dans l’enseignement et dans la vie des gens. “We find that a substantial increase in arts educational experiences has remarkable impacts on students’ academic, social, and emotional outcomes.” (6)

Je pense fermement qu’il est essentiel que l’art et la création soient au cœur de l’éducation. La « bonne vieille méthode », qui exige beaucoup de mémorisation sans objectif autre que celui de répéter adéquatement le contenu servit, transforme l’enseignement en une relation de domination. Le par cœur n’est pas à écarter complètement, car il a une certaine utilité. Des tables et l’orthographe sont deux exemples de matières qui s’apprennent bien grâce à la mémorisation. Cependant, ils peuvent être réinvestis dans des activités plus créatives par la suite. L'art et la création nous font grandir et ils nous stimulent davantage. La recherche de Boulay montre qu’à travers l’art nous interpellons l’élève avant de lui inculquer des connaissances : “C’est dire jusqu’à quel point il importe, au stage de l’enfance, de persuader et de séduire l’appétit sensible, c’est-à-dire de le disposer affectivement au bien. À cette fin, l’art musical est particulièrement efficace. Plutarque voit dans l’application de la musique à l’âme un moyen de la dompter et de l’apprivoiser.” (7)

Certains enseignants diront qu’ils ne sont pas artistes alors que cette approche n’est pas pour eux. Cependant, la créativité et l’expression artistique ne sont pas réservées uniquement aux artistes. Ces attributs sont nécessaires afin d’être un enseignant intéressant, versatile et engageant. Nous avons libellé “artiste” ceux qui ont choisi de vivre de leur art. Toutefois, nous avons tous une fibre artistique. C’est comme dire que seuls les prêtres peuvent être spirituels! Un pasteur m’a raconté qu’un de ses paroissiens lui a demandé de prier pour lui. Le pasteur lui a répondu qu’il pouvait prier lui aussi. Le paroissien lui a répondu que non, c’est pour ça que lui, le pasteur est payé. Tout comme certains sont plus sportifs que d’autres, certains vont être plus artistiques ou spirituels que d’autres. Mais il s'agit que nous ayons tous un côté sportif, artistique et spirituel, etc. Le corps, l’âme et l’esprit existent dans chacun de nous.

(1) Hattie, John, L’Apprentissage visible pour les enseignants; Connaître son impact pour maximiser le rendement des élèves. Presse de L’université du Québec. P. 117

(2) Ministère de l'Éducation nationale, Direction de l’enseignement scolaire. Mission de l’éducation artistique et de l’action culturelle. Le plan pour les arts et la culture à l’école CNDP 2001

(3) Toulet, E. (2014). La Beauté à la rencontre de l’éducation: Académie internationale de Théâtre pour enfants. L'Harmattan. p. 45 et 46.

(4) Jaschke AC, Honing H and Scherder EJA (2018) Longitudinal Analysis of Music Education on Executive Functions in Primary School Children. Front. Neurosci. 12:103. doi: 10.3389/fnins.2018.00103

(5) Toulet, Elisabeth, Op. Cit p. 116

(6) Bowen, Daniel H. Ph.D. and Brian Kisida, Ph.D. Investigating Causal Effects of Arts Education Experiences: Experimental Evidence from Houston's Arts Access Initiative, volume No. 7, Issue No. 4 | Februar y, 2019

(7) Boulay, J. (1961). Le rôle de la musique dans l'éducation. Laval théologique et philosophique, 17(2), 262–274. https://doi.org/10.7202/1020013ar

Quatre études de cas

Karenne Friday December 29, 2023

 

Kids Going To School  

Je fais état du parcours scolaire de mes quatre enfants et des observations que j’ai pu en faire suite à leurs expériences. Nous vivions dans une grande agglomération offrant de multiples choix de parcours scolaire. Mes enfants ont ainsi pu se diriger vers des options qui correspondent à leurs aptitudes et préférences. À travers chacune des expériences, il y a eu des choses dont j’ai retenu qui étaient positives et qui mériteraient d’être considérées dans une éducation positive et efficace. Par contre, d’autres aspects n’en étaient pas et me paraissaient plutôt nuire à l’éducation des jeunes et à leur épanouissement.

Enfant numéro un

La première à avoir à choisir son parcours a choisi une petite école spécialisée en art dramatique qui était située à moins d’un kilomètre de la maison. Il y avait plus d’heures de théâtre soit en interprétation, soit en production, et les élèves devaient compléter les matières régulières de façon plus accélérée. Ce que je trouvais intéressant de ce choix était le fait que l’école était très proche de la maison, ma fille n’avait pas de grosses journées d’école, elle pouvait même revenir à la maison pour le dîner. C’était une petite école; 40 dans sa cohorte. Il y avait une ambiance familiale. À travers l’étude du théâtre, ils ont appris beaucoup sur l’histoire, la littérature, la culture et le français, ils ont développé leur confiance et l’habileté de bien parler, entre autres. C’était de belles années au secondaire et ma fille y était à l’aise pour la plupart.

En ce qui concerne les bémols, puisqu’il y avait une concentration en théâtre, il y avait moins de temps consacré aux autres matières. À l’époque de ma fille, il y avait moins de soutien académique pour les élèves en difficulté, certains avaient de la misère à maintenir le rythme. Ma fille avait plus de difficulté en mathématiques, mais elle a eu la chance une année d’avoir un enseignant qui savait bien livrer la matière, et cette année-là, elle a bien réussi. J’en ai retenu de cet enseignant que les maths devraient être travaillées jusqu’à ce que l’élève comprenne. Les élèves faisaient leurs devoirs de maths en classe et comme ça, si l’élève avait de la difficulté, l’enseignant pouvait aider l’élève. Également, lors des évaluations, si l’élève n’avait pas une note de passage, l'élève devait reprendre l’évaluation. Cet enseignant visait une moyenne de groupe de 80% et très souvent il l’obtenait. Ceci, selon moi, est logique puisque si un élève ne comprend pas les maths, qui ne sont pas une matière subjective, l’élève devrait pouvoir travailler la matière jusqu’à ce qu’il l’ait saisi. Ce n’est pas souvent possible pour les enseignants d’opérer de cette manière par manque de temps et de ressources.

Ma fille a beaucoup aimé son secondaire. Elle s’est beaucoup impliquée et a relativement bien réussi ses matières. Elle aurait préféré ne faire que du théâtre et se passer des autres matières, surtout les maths et le français qu’elle trouvait pénibles. Mais, grâce au théâtre, ses journées passaient vite. La taille de l’école faisait en sorte que les enseignants connaissaient bien les élèves et les élèves ne se sentaient pas comme des numéros. C’est essentiel pour les élèves, surtout à l'adolescence, d'avoir un sentiment d'appartenance. Et, à travers l’étude du théâtre, les élèves ont également pu approfondir leur connaissance de la littérature, de l’histoire et de l’être humain entre autres.

Enfant numéro deux

Mon deuxième enfant était bon en maths et en science alors lorsqu’on a entendu parler d’une école avec un programme axé sur ces matières-là, on a décidé que ce serait une belle place pour elle. Comme on pensait, elle était bien là. Elle s’est tout de suite fait un petit groupe d'amis qui l’ont suivi tout au long de son parcours. Ils trouvaient mille et une façons créatives de s’amuser. Comme c’était une école qui sélectionne ses élèves, ça regroupait des enfants avec des profils similaires et ils devaient maintenir une moyenne de 70% pour y rester. Les profs étaient de qualités, qui avaient aussi choisi d’être là et ils étaient passionnés. Les projets étaient intéressants et même les enseignants faisaient des collaborations entre eux ce qui rendait l’apprentissage global! Mon enfant n’a pas protesté une seconde, même si elle avait un trajet de 45 minutes aller-retour chaque jour.

Mon enfant était dans son élément. Comme ma grande, le parcours était spécialisé et axé sur des intérêts spécifiques. Les enseignants étaient stimulants et ponctuaient leurs cours de projets intéressants. Le lieu était spectaculaire; de vieux bâtiments érigés sur le bord de la rivière. Comme discuté précédemment, la beauté des lieux a eu un effet sur son appréciation de son expérience. Comme elle était parmi d’autres élèves avec des goûts similaires, elle a eu de la facilité à se faire un beau groupe d’amis. Le fait de créer des liens forts est primordial. Lorsque les affinités sont similaires, il y a plus de chances de se trouver de bons amis et ceci pourrait faire une grande différence sur la motivation de se rendre chaque jour à son école avec une attitude positive.

Le hic est que c’était un programme sélectif au sein d’une école existante. Là, il y avait des programmes réguliers, le programme spécialisé et un programme pour les émigrants. Une des menaces que les enseignants utilisaient sur les élèves de ce programme était que s’ils ne réussissaient pas à obtenir le seuil de réussite (70%) ils seraient renvoyés au programme régulier. Ce genre de ségrégation est inacceptable. L'éducation ne devrait pas être divisée en paliers ou certains programmes sont stigmatisés. Comment les élèves au régulier pouvaient-ils se sentir en côtoyant les élèves “sélectionnés”? Effectivement, il y avait des tensions et du dédain entre les groupes. C’est aussi dommage que ce soit les élèves “sélectionnés” qui aient droit à des projets stimulants et à des enseignants plus motivés. Toutes les écoles secondaires devraient être spécialisées dans quelque chose ou avoir un choix de programmes et de projets intéressants. Les écoles “régulières” ne devraient pas exister.

Enfant numéro trois

Ma troisième fille a voulu aller dans une école privée, malgré moi. Son père a acquiescé alors, c’était parti pour 5 ans dans une école centenaire, uniquement de fille. C’était un choix difficile à avaler pour moi. Je ne crois pas aux écoles publiques qui sélectionnent leurs élèves, mais encore moins au système d’école privée. Cependant, mon enfant insistait et le choix était fait. J’étais vite confondu. Mes idées préconçues ont été vite déconstruites. D’abord, j’ai été surprise de leur approche très humaine. L’école se ralliait autour de ses “filles” et malgré la nature formelle de certains aspects de l’école, elle n’était aucunement froide ou austère. Il y avait une équipe en or qui s’occupait de leurs élèves comme si elles étaient les plus précieuses au monde. C’est bien évident, les parents paient. Malgré cette réalité, ce ne sont pas toutes les écoles privées qui ont cette attitude envers leurs élèves. Je déplore que chaque école ne voie pas ses élèves comme étant les plus précieux au monde! Également, l’école travaillait pour créer un esprit de groupe. Alors, malgré les 1100 élèves, il y avait un sentiment d’appartenance. Ma fille s’est aussi efforcée d’être engagée dans diverses activités et comités à son école, ce qui rend plus facile de se faire une place. Il y avait beaucoup de communication entre l’école et les parents. Les parents aiment se sentir informés et concernés. Il y avait beaucoup d’activités parascolaires. L’équipe école, sachant que la clientèle pouvait être hyper performante, avait même mis en place des stratégies pour limiter le stress que les élèves pouvaient ressentir. Bien sûr, les enseignants ont choisi d’être dans cette école et le directeur avait plus de pouvoir sur le choix de son personnel, ce qui n’est pas le cas dans les écoles publiques. Cela fait en sorte que la direction peut créer l’ambiance et la culture de l’école plus facilement. J’ai été aussi ravie de leur approche innovatrice sur le plan pédagogique. La directrice des services pédagogiques m’épatait avec son désir d’innover, d’être à l'affût des dernières études en pédagogie, de rendre l’apprentissage enrichissant et pertinent. Elle s'adresse aux parents en leur expliquant que ce n’est pas parce qu’ils sont allés à l'école que ça fait d’eux des experts en éducation; un commentaire audacieux, selon moi, à des parents "payeurs". Il y avait de nouveaux programmes pilotes que l’école essayait, et il y avait une volonté de rester pertinent et d’être avant-gardiste dans le monde de l’éducation. Parce que c’est une école privée, elle a plus d’autonomie et plus de contrôle sur ce qui se passe entre ses murs. Une des choses qui rend l’éducation plus compliquée dans les écoles publiques est la lourdeur de la bureaucratie. Il y a tellement d’étapes à suivre et tout est tellement réglementé que c’est difficile de prendre une décision ou de changer quoi que ce soit. Souvent, les choses sont perdues dans le processus, tandis que si l’école a plus d’autonomie, elle peut agir promptement.

Il ressort de cette expérience dans une école privée que beaucoup de ce qui est fait dans les écoles privées peut se faire dans les écoles publiques. Le hic est souvent la bureaucratie et le manque d’autonomie des établissements. Pour créer et maintenir une école publique stimulante, engagée et novatrice, il faut une direction forte, une équipe forte, et une communauté solide également. La plus proche de ce modèle que j’ai vécu dans le système public était à l’école primaire de mes enfants. Ils ont tous fréquenté la même école primaire ici au Québec et même après avoir travaillé dans plusieurs écoles dans la métropole, j’ai vu que cette petite école était avant-gardiste, résiliente et originale. Ceci est principalement attribuable à la grande implication de la communauté parentale et à l’ouverture et à la créativité de l’équipe de l’école. C’est comparable aux écoles dites “alternatives”.

Le grand bémol de cette expérience d’école privée est qu’elle est réservée aux familles privilégiées. Pourquoi seulement ceux qui ont les moyens peuvent-ils y fréquenter? Avec cela, il y avait tout de même une pression de “performer”. Cette pression était souvent exercée par les parents et les élèves eux-mêmes, en même temps, le curriculum était exigeant et les faibles résultats académiques n’étaient pas tolérés malgré le fait qu’il y avait du soutien pour les élèves en difficulté.

Enfant numéro quatre

Quant à ma quatrième fille, elle a choisi un parcours plus traditionnel. C’est une école secondaire régulière mais qui offre beaucoup d'options de cours et d’activités variées. Il y a des élèves provenant de toute sphère de la vie ainsi elle côtoie des gens issues de divers ethnies, diverses classes socio-économiques, et diverses cultures. Elle fait partie de l’option de théâtre, mais cette activité est offerte après les heures des cours et les élèves ne sont aucunement séparés des autres élèves. Les groupes changent selon le cours ainsi elle ne sera pas avec les mêmes élèves toute la journée. Pendant la pandémie, ils avaient des classes fixes et ceci a permis plus de cohésion dans les groupes, par contre, si le groupe était moins bien composé, les élèves pouvaient se retrouver dans une classe avec moins de cohésion pour toute l’année. La plupart des enseignants sont engagés, et s’intéressent à leurs élèves. C’était une école plus petite auparavant mais ils ont connu une augmentation de leur clientèle dans les dernières années.

Un des aspects le plus positifs de ce parcours est la possibilité d’appartenir au profil de théâtre. Ceci crée un sentiment d’appartenance, crée de la cohésion dans un groupe, et engage les jeunes dans une activité stimulante. C’est ce qui rend le parcours plus intéressant. En même temps, les enseignants sont très engagés et semblent, pour la plupart, vouloir créer des relations avec les jeunes. Ce sentiment est primordial pour un jeune, surtout au secondaire, mais tout au long d’une vie. C’est même plus important que la matière qui sera servie et digérée. Un ado qui se sent en confiance et qui se sent valorisé sera plus heureux et aura tendance à s’engager davantage dans son milieu. Voici une autre citation d’une étude qui soutient ce point.

Daniel and Araphostasis’ (2005) findings suggest that reluctant learners are more motivated to learn from teachers who supported them and sincerely wanted them to succeed. As shared by the two participants in this study, there is a strong relationship between the teacher’s sincere desire for students to succeed and the support provided by the teacher. Sincere desire, however, is rooted in how much the teacher cares about the students. When the students recognise that the teacher really cares about them, they translate the teacher’s effort to help them as support. When the teacher cares less about them, students translate the teacher’s hard work as merely an effort to maintain the subject’s grade. Thus, it did not increase students’ academic motivation. (1)

Les recherches de Richard M. Ryan portant sur la motivation intrinsèque et extrinsèque sont intéressantes et suggèrent que la relation a un effet sur la motivation et peut aider lorsque la motivation intrinsèque est moindre comme dans une activité moins intéressante pour l’apprenant : “Anderson, Manoogian, and Reznick (1976) found that when children worked on an interesting task in the presence of an adult stranger who ignored them and failed to respond to their initiations, a very low level of intrinsic motivation resulted, and Ryan and Grolnick (1986) observed lower intrinsic motivation in students who experienced their teachers as cold and uncaring.” (2)

Ma dernière participe à un projet pilote de son école où certains élèves ont été choisis pour faire partie d’un groupe qui a pour but d’offrir des activités d’appartenance. C’est un petit groupe mené par une enseignante. Ils se rencontrent au dîner une fois par semaine et quelques fois par mois à d’autres occasions. Les activités sont variées et vont de visiter une banque pour apprendre sur les finances personnelles à rencontrer le directeur pour lui poser des questions sur son métier et son parcours. Ce petit groupe a eu un effet positif sur le sentiment d'appartenance et a rendu l’expérience d’école secondaire plus agréable. Ma fille a également l’assurance qu’il y a une personne-ressource, cette enseignante, qui la connaît bien et qui est là pour elle si elle a des questions, des problèmes ou juste pour de l’encouragement dans sa journée.

Encore une fois, je déplore que ce genre de chose ne soit pas offert à tous les élèves et qu’il n’y ait pas de petits groupes pour tous ceux qui le veulent, afin d’être moins perdu, de se sentir soutenu, écouté et moins comme un numéro dans l’école.  Comme ma dernière l’a très bien expliqué, elle aime son école, les enseignants et ses amis, mais le stress qu’elle y ressent entache son moral. L’éducation ne devrait pas entrainer chez les élèves autant de stress, d’anxiété ou d’isolement comme beaucoup trop d'enfants ressentent.

Conclusion

Ces programmes, ces options et ces projets que j'ai mentionnés ne plaisent pas à tous et tous les élèves n’ont pas les mêmes goûts ni les mêmes besoins. En prenant cela en compte, on peut se demander pourquoi la possibilité de faire plusieurs activités, participer à des programmes spéciaux à des projets intéressants n’est pas offerte à tous les élèves. L’école devrait proposer une panoplie d’activités, de projets, d’associations, de toutes sortes d’expériences proposées aux élèves pour enrichir la vie de l’apprenant. Ce n’est pas tous les élèves qui vont vouloir participer à quelque chose, mais le choix devrait être offert pour tous ceux qui le souhaitent et devrait être encouragé afin de briser l'isolement et l'apathie. L’école est un milieu de vie. Le temps passé à l’école exige que ce soit un milieu stimulant, enrichissant et humainement chaleureux.

Si nous insistons sur la formule d’un système d’éducation externe à la vie familiale, où les enfants sont regroupés pendant de longues heures et pendant beaucoup de journées, il faut concevoir ce milieu comme étant un milieu de vie. L’apprentissage se fait à plusieurs niveaux dans la vie et non seulement dans une institution, assis à des bureaux en écoutant une leçon magistrale et en remplissant des cahiers. L’école contribue à cet apprentissage, mais je constate qu’elle nuit parfois à sa propre mission en voulant trop forcer l’apprentissage et en se donnant ce mandat d’être l'ultime lieu d’apprentissage.

(1) Jasmi, A., Hin, L. Student-Teacher Relationship and Student Academic Motivation. J Interdiscip Res Educ 4, 6 (2014). https://doi.org/10.7603/s40933-014-0006-0 p. 81

(2) Ryan, Richard M. and Edward L. Deci, Self-Determination Theory and the Facilitation of Intrinsic Motivation, Social Development, and Well-Being, January 2000. American Psychologist https://selfdeterminationtheory.org/SDT/documents/2000_RyanDeci_SDT.pdf p. 71

Étape … (on est rendu à combien?): On n’est pas tous pareil !!

Karenne Friday December 29, 2023

Kids Halloween  

Et voilà. Ce qui est le plus déplorable dans le système c’est qu’on traite tout le monde comme s’il devait être pareil. Un système. Un curriculum. Une série d’apprentissages. Une méthode. Vingt élèves dans une classe et tous doivent être au même niveau au même moment! Dit comme ça, ça paraît absurde, mais c’est ça. Vingt petits êtres provenant de plein de milieux différents, avec une composition de chromosomes particulière à chacun, tous dans une classe organisée selon l’âge et avec un chemin de route singulier pour tous.

Nous en savons beaucoup maintenant à propos des multiples types d’apprentissage et d’élèves. On fait constamment des recherches et des ateliers là-dessus. Mais toutes ces recherches ont de la difficulté à se rendre sur le terrain et être appliquées. Un enseignant futé fera varier son style d’enseignement afin d’incorporer le plus d’élèves possible et de favoriser le plus de personnalités possible pour que la cognition se fasse sous différents angles. C’est possible. Mais, chacun a des intérêts différents, chacun à des besoins différents, chacun à une histoire différente, et même en sachant tout cela, on traite tous pareil. On enseigne tous de la même manière, la même matière. Tous les enfants ont droit aux connaissances, mais ce sont les instances qui ont choisi ce qui devait être appris. Alors tout le monde a le même menu. Cela assure une certaine uniformité et un accès universel aux connaissances. Cependant, considérant le temps que les enfants passent à l’école à avaler des connaissances que nous avons choisies pour eux, à suivre le rythme que nous avons établi, posons-nous la question: est-ce la meilleure façon de faire pour nos enfants et notre société?

À travers mes recherches et mon expérience, ce qui ressort pour que l’apprentissage soit efficace est que l'apprentissage se doit d’être autoguidé, autonome, et respectueux de l’apprenant pour lui permettre d’apprendre à son rythme. Ce n’est pas de nouveaux concepts. Ils sont rarement appliqués dans les écoles par manque de moyens, manque de formation et manque de volonté des instances. On peut se demander si une approche trop individualisée ferait en sorte que lors d’un projet collectif, les enfants aient de la difficulté à travailler avec les autres élèves. Vont-ils comprendre leur rôle dans le tout? Comprennent-ils qu’ils ne font que partie du tissu social ? Eh bien, oui. Les enfants dont leurs besoins individuels ont été satisfaits ont plus de facilité à participer à des activités de groupes parce que, justement, leurs besoins d’individus sont comblés. Ce n’est pas le fait d’être traité comme un individu qui rend un enfant égoïste. C’est le fait que ses besoins individuels ne soient pas comblés. Ce qui ne veut pas dire tout donner à l’enfant à tout moment. Il est faux de penser qu’une approche qui favorise l’individu rendra les enfants égoïstes. C’est ce qu’on reprochait souvent à Françoise Dolto, psychanalyste qui prônait l’individuation de l’enfant. Elle ne préconisait pas de faire tout ce que l’enfant voulait ni de tout faire pour l’enfant, au contraire. Selon elle, un enfant a besoin de l’attention, d’avoir ses besoins primaires comblés, mais un de ses besoins est aussi de réaliser qu’il est capable de combler ses propres besoins et de réussir des tâches pour devenir autonome.

Cela inclut les activités collectives. C’est important de travailler ensemble pour réussir un projet. Il est également démontré que l’apprentissage par les pairs est efficace. Le but n’est pas d’isoler l’élève ou de lui donner un curriculum juste pour lui. Mais, il faut remettre en question l’apprentissage standardisé qui se fait par niveau dans lequel tous les apprenants doivent suivre le même rythme avec le même curriculum et les mêmes attentes. Certaines écoles alternatives sont organisées par cycles de trois ans formant des classes multiâges. Cela nécessite une organisation et une approche particulière que les enseignants doivent adopter. En même temps, ça permet aux enfants d’avancer à leur rythme, d’aider d’autres enfants, de développer un sentiment de communauté et leur donne plus de stabilité puisqu’ils suivent l’enseignant pendant plusieurs années. Comme l’expliquent ces enseignants :

…les élèves développent un sens de la communauté ainsi que de l’entraide et apprennent les uns des autres lorsqu’ils s’aident. L’enseignant n’est plus la personne ressource première de la classe Enseigner dans une classe multiâge rend évidente la nécessité d’offrir aux élèves des situations d’apprentissage ouvertes qui permettent de répondre davantage à leurs besoins. Ces situations ouvertes augmentent leur motivation. (1)

En sachant tout cela, on se demande quelle est la situation pour accommoder les différences et optimiser l’apprentissage en tenant compte des individus. Est-ce que ce serait d’avoir de petites écoles spécialisées partout, pour tous les goûts et les personnalités? Serait-il d'avoir plus de programmes individualisés? Parfois, se regrouper par intérêt est utile, intéressant et aidant, d’autre fois, la diversité est ce qui fait la force. Peut-être c’est une combinaison des deux qui est mieux, d'être avec ceux qui nous ressemblent et aussi d’être confronté à l’autre. Parfois, lorsqu’on est exposé à quelque chose de nouveau, et qui nous sort de notre zone de confort, ça ouvre notre horizon. Au contraire, lorsque l’on est trop aliéné, on ne se sent pas à sa place en compagnie de gens différents de nous et on n’exécute pas bien. Tous mes enfants ont choisi leur école secondaire pour mieux refléter leurs besoins et leurs intérêts. Cela a fait en sorte que chacun de mes enfants a eu une belle expérience au secondaire. Ils se sentaient dans leur élément, et chaque école a apporté quelque chose de positif à son parcours. J’ai vu ça comme une étude de cas, où j'ai pu observer 4 façons d’organiser l’éducation au secondaire et contempler les pour et les contre de chacun.

(1) Lajeunesse, Claudine, Mylaine Fournier et Jean Archambault. La classe multiage pas choix , Vie pédagogique 132, septembre-octobre 2004. p.53

Étapes un, deux, trois, et…: Relation

Karenne Friday December 29, 2023

Daycare  

Nous sommes des créatures sociales. Nous vivons en société et nous nous organisons autour de l’un l’autre. Personne n’est capable de vivre sans relations sociales. De nombreuses études ont été rédigées à ce sujet. “SDT (self-determination theory) states that human behaviors arise from their motivation that social partners, such as parents, teachers, and peers exert a positive impact on by satisfying their psychological needs, namely, relatedness, competence, and autonomy (Deci and Ryan, 1985a)” (1) pour n’en nommer qu’une. Cependant, on oublie à quel point la relation est clé dans la transmission des connaissances. Plus que j’ai une bonne relation avec l'apprenant, plus il sera motivé à apprendre, plus il va chercher à apprendre de moi, plus il va être ouvert à l’apprentissage et plus que je pourrai le guider. Lors d’une première rencontre avec des élèves, nos séances devraient porter sur qui nous sommes, ce qu’on connaît, ce qu’on a fait et nos valeurs, etc. Et ce, de façon réciproque. Un adulte n’a pas à révéler les secrets de sa vie, mais l’enfant veut savoir à qui il a affaire. Il veut se sentir impliqué, concerné et surtout se sentir aimé. J’ai souvent mieux enseigné à un élève après la rencontre des parents. C’est là où je comprends mieux mon élève dans un autre contexte et que je vois l’amour que son parent a pour son enfant. J’aime entendre les petites histoires que le parent me raconte à propos de leur enfant, ses habitudes, son comportement à la maison, etc. Dans un contexte d’école traditionnelle, on voit l’apprenant dans une situation très particulière mêlée à 15 à 20 autres enfants et le temps est une denrée rare. On est tiraillé par les besoins de chaque apprenant et si l'on veut prendre le temps avec chacun, il faut étaler le temps accordé à chaque enfant de façon très mince. Il y en a toujours qui vont passer à côté de la track. C’est pour cette raison que l’on doit se poser la question de comment composer les classes ou les groupes d’apprenants, de combien d’élèves, de combien d’intervenants et d’enseignants dans la classe. Plusieurs études démontrent qu'un ratio plus bas enseignant-élève est à préconiser.

Ça devrait être le cas même au secondaire. Au secondaire, des petits groupes devraient être davantage prônés . Également, une place plus importante accordée à un adulte ressource, même en classe, serait à considérer afin de donner aux élèves un lien plus personnel avec un adulte qui connaît bien les élèves et qui sert de repère en cas de besoin. Les élèves, même adolescents, ont toutefois besoin d’une bonne relation avec leur enseignant, leur mentor ou leur guide. Un de mes enfants, qui éprouve le plus de misère dans le système, a eu l’occasion de faire partie d’un projet pilote dans son école. Une enseignante a pris en charge un petit groupe d’élèves. Avec ce groupe, ils ont des petites conférences, font des activités ensemble, mangent parfois ensemble et discutent aussi ensemble. L'enseignante avait même invité le directeur de l’école à parler au groupe de son parcours et les élèves l’ont vu plus comme un humain après cet entretien. Ce projet a eu un effet positif sur sa motivation et sa volonté d’aller à l’école. Il faudrait créer plus de petits groupes comme ceux-ci afin de donner aux élèves un sentiment d’appartenance et une place pour qu'ils se sentent moins comme un poisson balancer dans un grand océan rempli de requins. Les écoles qui offrent une variété d’activités parascolaires comprenant une variété de centres d’intérêt réussissent souvent à fournir cet espace, mais il y a encore beaucoup d’enfants délaissés. On oublie que l’adolescence est un moment charnière et parfois difficile. Le système actuel a de grandes lacunes à cet égard. Les enseignants qui trouvent des moyens d’entrer en relation avec leurs élèves réussissent à faire passer l’enseignement beaucoup plus facilement, mais un système ou on met un trop grand nombre d’ados tous ensemble et à les faire passer d’une classe à une autre comme dans une chaîne de production n’est pas propice à créer un sentiment d’appartenance et n’aide pas à développer des relations avec leurs enseignants, ce qui en conséquence nuit à leur apprentissage. Si on traite les enfants comme du bétail, ils agissent comme du bétail, tout simplement. Un enseignant au secondaire voit trop d’élèves dans une journée, il lui est difficile de se souvenir des noms et des caractéristiques de chaque enfant. Cela étant dit, ce n’est pas impossible et quelques enseignants réussissent à créer une sorte de lien avec leurs élèves pendant l’année scolaire. C’est peut-être éphémère, mais ça fonctionne pour le temps que ça dure. Les écoles où l’accent est mis sur la construction de bonnes relations réussissent à créer un sentiment d’appartenance chez les élèves et stimulent leur motivation intrinsèque.

Mes quatre enfants ont chacun fait leur secondaire dans une école différente. Chaque école ayant son approche, chacun d’eux a vécu une expérience riche et plutôt satisfaisante. Ce qui rendait l’expérience gratifiante était le fait d’être dans une école qui met de l’avant une cohésion et une appartenance, soit parce que le programme était spécifique, soit parce que l’école est petite, soit parce qu’on y a mis en place des mesures favorisant les liens humains. Mes enfants ont pu jouir de leur expérience grâce à un programme spécial sélectif, ou parce que c’était une école privée. Ce genre d’expérience devrait être accessible à tous les jeunes point à la ligne.

Créer des relations est essentiel dans le processus de l’apprentissage. Que faire si un apprenant n’a pas une bonne relation avec son enseignant? Dans notre système actuel, c’est tant pis; il aura plus de chance l’année prochaine. Il passera donc toute son année à lutter, à ne pas se sentir bien et à dépérir. On ne peut pas fuir toutes les personnes qui ne nous conviennent pas et ça fait partie de la vie d’être confrontée à des personnalités. Ceci étant dit, c’est l’éducation de l’enfant qui est en jeu. Changer d’enseignant devrait être une option parmi d'autres. Bien sûr, des efforts pourraient être faits pour améliorer une relation avec un élève. J’ai eu plusieurs occasions où j’avais une prédisposition à ne pas aimer un type de personnalité et lorsque je me retrouvais avec un élève disposant cette personnalité, c’était plus difficile pour moi d’être équitable et d’avoir une relation positive avec cette personne. J’ai vécu un moment où j’ai pu faire des efforts pour changer mon attitude envers cette personne, ce qui a rendu notre relation plus harmonieuse. En même temps, il y en a eu quelques-uns avec qui ça ne fonctionnait juste pas. Pour elle et pour moi, ça n’aurait pas été une mauvaise décision de changer d’enseignant. Elle n’en pouvait plus de moi et je ne pouvais rien pour elle. Je pense qu’il est possible d’expliquer à nos enfants que ce n’est pas nécessaire d’aimer ou de tolérer tout le monde. Parfois il faut se dire que cette personne ne nous fait pas du bien, bien qu’elle peut être une très bonne personne pour d’autres. On devrait également accepter de ne pas être aimé et de ne pas aimer tout le monde. En anglais, on fait la différence entre aimer "love" dans le sens d’amour, et aimer "like" qui prend le sens d'apprécier. On peut dire à quelqu'un “I will always love you but I may not always like you or like what you do.” Il peut être très formateur d’avoir vécu des relations insatisfaisantes dans son entourage si l’enfant apprend à les gérer pour les transformer. Cela dit, une bonne relation entre l’enseignant et l’élève est un autre élément essentiel dans le transfert des connaissances.

Un exemple de l’importance d’une bonne relation avec l’apprenant vient de mon conjoint lorsqu'il était jeune adulte et voulait perfectionner sa guitare. Un professeur renommé lui a été recommandé. Prenant son argent de poche pour prendre l’autobus pour se rendre à Montréal et payer ce “maître” des frais exigeant pour l’époque, il a commencé son apprentissage. L’enseignant en question n’a pas pris le temps de voir ce que l’élève connaissait déjà et a même ridiculisé son habileté. Il s’occupait parfois d’autres choses dans sa maison lors des cours, en donnant quelques exercices à l’élève et en le laissant à lui-même. Il ne prenait guère le temps de lui expliquer lesdits exercices. Il ne semblait pas s’intéresser plus que ça à donner des cours. Mon conjoint n’a pas fait plus que 3 cours avec lui.

Il existe des enfants qui sont tellement curieux, ou studieux qu’ils font abstraction et ne s'occupent pas de leur relation avec leur enseignant. Ils sont là pour apprendre et que l’enseignant l’aime ou l’apprécie est secondaire. Comme les enfants sont naturellement curieux de bases de toute façon, un enseignant n’a pas besoin d’être omniprésent ni d’être le meilleur ami de l’apprenant. Toutefois, il y a beaucoup de recherches démontrant l'importance d’une bonne relation avec les enseignants et les autres apprenants pour favoriser la motivation de l’élève et pour faire valoir les apprentissages présentés.

Et cela m'amène au prochain sujet connexe …


L’amour.

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Par l'amour j’entends : affinité, soin, attention, intérêt pour l’élève et son devenir.

Pourquoi évoquer l’amour quand on parle d’éducation ? Parce qu’il faut beaucoup d’amour pour éduquer les gens. C’est la pierre fondamentale de l'éducation. Il y a d’abord un amour pour l’apprentissage, et le savoir, l’amour pour ceux qui apprennent, l’amour pour celui qui répand les connaissances, l’amour qui jaillit dans le cœur de l'être vivant. Il y a aussi l’amour pour sa matière. L’amour est primordial dans l’éducation. Pourtant, il n’est pas toujours présent ni invoqué. Il est souvent écarté. Mais, qui, après tant d'années, oublie son enseignant qui l’a tant marqué, qui avait un amour pour son sujet et pour ses élèves? Nous avons tous eu un enseignant qui nous a marqués, et ce n’est pas uniquement parce qu’il a été bien organisé dans ses cours que nous le chérissons. C’est parce qu’il a su nous stimuler, qu’il a su voir notre potentiel et parce qu’il était passionné par son sujet. C’est celui-là qui nous a fait grandir et aimer apprendre. Le professeur qui aime ses élèves, aime sa matière, aime sa profession, aura un effet durable sur la vie de l’élève à moyen et à long terme. Je me souviens d’une enseignante qui se plaignait d’un parent qui lui avait reproché de ne pas aimer son enfant, sa réponse a été “Madame, je ne suis pas censée aimer votre enfant, je suis là pour l’enseigner.” Si seulement cette enseignante s’est rendu compte que sans amour, l'enseignement est fade et tombe dans l'oubli. J’ai une autre histoire plus positive. Ma grand-mère était une enseignante bien appréciée et même, aimée. Une fois, lors de mes tournées théâtrales en France, j’ai fait la connaissance d’un Canadien expatrié et après avoir discuté avec lui, on a découvert que ce monsieur d’une 40aines d’années, était un ancien élève de ma grand-mère. Quel hasard! J’ai alors suggéré d’appeler ma grand-mère pour qu’il puisse lui dire bonjour. À ce moment-là, j’ai vu ce monsieur redevenir le petit garçon de 8 ans. L’échange entre ses deux êtres était rempli de larmes, de reconnaissance et d’amour. Je savais que ma grand-mère était aimée comme enseignante. Elle était une sorte de légende dans son petit village. J’en étais fière. Mais, j’ai vite constaté qu’elle enseignait avec amour. Elle avait un amour pour les belles choses qui l’entouraient, la nature, la poésie, la spiritualité et elle était toujours émerveillée par la vie. J’ai eu l’occasion à plusieurs reprises de voir comment les gens l’aimaient, et ce, parce qu’elle répandait l’amour.

Je suis née dans une famille d'enseignants. Ma mère, mon père, mes oncles, mes tantes…c’était presque impossible pour moi d’en échapper. J’ai vu comment la profession d’enseignant n’est pas facile et peut être tout accaparante. Je voyais ma mère se consacrer à sa vocation de longues heures, sans relâche. Même au point où parfois, j’en étais un peu jalouse de ses élèves qui recevaient plus l’attention de ma mère que moi. Mais, ce qui venait effacer le petit peu de frustration que je pouvais ressentir était l’amour que ses élèves éprouvaient pour elle. Je pouvais voir comment ils étaient reconnaissants. Plusieurs années plus tard, ils revenaient pour lui dire combien elle les avait influencés ou combien ils avaient apprécié son cours. C'était ma mère ça! J’ai vu mon père enseigner avec amour. Même si j’étais encore jeune lorsqu’il a quitté la profession d’enseignement au secondaire, j’avais l’occasion de le voir souvent en action lorsqu’il venait donner des ateliers à mon école lorsque j’étais au primaire. Même lorsque je suis devenue moi-même enseignante, j’ai fait appel à mon père pour venir répandre ses connaissances dans les domaines de l’art ou de la nature. Il est un vulgarisateur naturel, mais ce qui ressort également est l’amour qu’il a pour la vie et la nature et les jeunes.

Je suis certaine qu’au cours de ce paragraphe un ou deux enseignants qui vous ont marqué vous sont venus à l’esprit. Ce ne sont pas les plus rigides qui vous font sourire et vous rappellent une chose ou deux que vous avez apprise. Ce ne sont pas ceux qui ont bien suivi leur curriculum qui vous ont marqué. Ce ne sont pas ceux qui ont bien réussi à remplir les exigences du ministère qui vous ont fait vibrer. Pourtant, on ne dit pas à un étudiant qui se prépare à être enseignant “l’éducation, c’est l’amour.” ? Nous sommes bombardés par les exigences des ministères, des apprentissages obligatoires, des plans de leçon, des nouvelles techniques, des stipulations et formulations, des examens, des barèmes des courbes des seuils, des plans d’interventions à tel point qu’on oublie notre vocation d’enseignant. Tout comme les églises et les religions qui ont réduit la spiritualité à un dogme, l’éducation est réduite à des systèmes et des règles. On a voulu la concrétiser, la comprendre, la réduire en concepts et formules atteignables, mais on a oublié le mystère et l'émerveillement et l’essentiel: l’amour.

Une marchande de fleurs m’a dit un jour :”In this kind of business, all your flowers are like your children. If you don’t put in the love and energy, they won’t be beautiful. In this kind of job, you can send people good energy. … If you don’t put in the love or energy, it will be different.” Je dirais la même chose pour les enfants. Les enfants sont comme des fleurs et si on ne met pas de la bonne énergie et de l’amour aux enfants, ils ne pourront pas s’épanouir.

(1) Yanhong, Shao. Kanf Shumin The Link Between Parent-Child Relationship and Learning Engagement Amung Adolescents:

Étape quatre : Combler les besoins

Karenne Friday December 29, 2023

 

  Scared Child At Nighttime   

 

 

Lorsque j’ai un élève dans ma classe qui n’est pas disposé à apprendre, que faut-il faire? Réprimander. Corriger. Sanctionner. Féliciter et récompenser les bonnes attitudes et les bons comportements. Trouver d’autres moyens pour lui faire apprendre. Appeler une aide pour qu’il puisse bénéficier des services offerts par le système. Mais en bout de ligne, il faut lui faire apprendre. Il faut qu’il suive le courant. Il ne faut pas le perdre. Il ne faut pas qu’il tombe en arrière.

Demandons-nous d’abord de quoi l’enfant a besoin. Je ne vise pas uniquement les besoins d’ordre pédagogique ; j’évoque plutôt ses besoins primaires, qui sont les siens. Il est nécessaire de commencer là! Ce n’est pas l’affaire de l’enseignant de combler tous ses besoins. L’enseignant est là pour guider les apprentissages et s’efforcer à être un adulte exemplaire devant les élèves. Lorsque le besoin d’un enfant supplante sa curiosité, il doit être assouvi. Un enfant qui a faim n’a pas besoin de savoir combien vaut 2 + 2, il a besoin de manger. Si un enfant qui n’est pas curieux c’est parce qu’un besoin qui n’est pas comblé. Ces besoins peuvent généralement être comblés par sa famille. Les parents ont un lien de proximité privilégié avec leurs enfants. Ils inculquent les valeurs, la vision du monde et répondent aux besoins primaires de ses enfants. Les adultes se demandent-ils c’est quoi d’être un parent et c’est quoi un enfant ? Sont-ils uniquement là pour satisfaire les besoins matériels de leur progéniture? Faut-il tout connaître, tout savoir pour être un bon parent? Aucun parent n’est parfait, mais c’est une tâche sérieuse qui demande beaucoup de temps, d’énergie, de sagesse, de patience et j’en passe. Les enfants ne naissent pas des vaisseaux vides et ont déjà leur propre personnalité, etc., mais nous, les parents, jouent un rôle primordial dans le façonnage de ces êtres-là. Comme enseignante et comme éducatrice en garderie, j’ai vu beaucoup de parents à bout de souffle, qui déposaient leurs enfants à la garderie parce qu’ils n’en pouvaient plus, de parents à court de moyens, de parents mystifiés et dépassés par la responsabilité parentale. Nous allons revenir plus loin parce que je suis convaincue que nous ne donnons pas assez de soutien aux parents, que le système économique prend trop de place, que nous n’accordons pas assez de temps ni de ressources aux familles, que nos priorités en tant que société ne sont pas bien alignées et que cet état de fait a des conséquences sur l’éducation d’aujourd’hui. Les enfants ont besoin de leurs parents pour combler certains de leurs besoins. Or, même si c’est vrai que les professionnels de l’éducation et du domaine de la petite enfance sont souvent formés, passionnés et dévoués aux enfants, ils ne remplaceront jamais les parents.

Besoin d'amour inconditionnel

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Un des besoins essentiels est le lien familial, le sentiment d’être aimé inconditionnellement, le sentiment d’appartenance. Si l’enfant ne se sent pas unique et aimé, pourquoi ferait-il l’effort d’apprendre ce que l’on lui dit d'apprendre?

Lors de la rédaction de ma maîtrise, après avoir étudié plusieurs familles et après avoir récolté et analysé les données ramassées en réponse aux questionnaires, j’ai été frappé par le constat que les enfants passent moins de temps à la maison que leurs parents. Ce berceau de sécurité, de calme, de ressourcement, là où l'enfant est plus libre de se développer, ce lieu précieux est trop souvent inaccessible. Aussi, l’enfant passe moins de temps avec ses parents qu’avec ses collègues de classe ou ses enseignants. Alors, les parents ne devraient pas être surpris lorsque leur enfant devient adolescent et ne s’intéresse plus à leurs parents. Les parents secouent leurs têtes en se disant “Je ne reconnais plus mon enfant.” Le temps que les parents passent avec leurs enfants, à se chicaner avec eux, à les observer, à leur montrer le monde, à jouer avec eux, à être présent pour eux et à être là que leurs enfants puissent observer leurs parents, est primordial. C’est le temps qui est difficilement rattrapable plus tard. Ce sont des moments où les enfants se sentiront sécurisés. Il y existe des parents inaptes, voire néfastes pour leurs enfants. Les enfants de ces familles-là ont l’intérêt de ne pas passer trop de temps avec leurs parents. Mais, tout parent est imparfait, l’enjeu n’est pas d’être le parent parfait, mais de créer un lien avec ces parents. Les enfants vont démêler l’imperfection de leurs parents plus tard dans leurs vies, et ils vont faire leurs propres erreurs que leurs enfants vont démêler.

Et lorsque la famille est en défaut de pouvoir combler ses besoins, il y a la communauté qui entoure cette famille. Les adultes qui entourent les enfants devront tous avoir les yeux et les oreilles ouverts pour reconnaître les besoins des enfants. Chaque enfant relève notre responsabilité parce que nous formons tous le tissu social. Il existe également des organismes et des professionnels dont le mandat est de s'occuper d’un aspect ou d’un autre du développement humain et de répondre aux besoins manquants des humains. Ces organismes essaient de reproduire la communauté dans laquelle nous prenons tous soin l’un de l’autre le mieux possible. L’idée qu’il faut un village pour s’occuper d’un enfant est vraie, et je dirais même qu’il faut un village pour s’occuper du village. Structurer de l’aide qui est portée aux humains en donnant des balises, de l’organisation, une régie interne, etc., aide à donner de l'ordre à cette aide. Mais si la structure passe avant l'humain, elle perd son sens. Nos organismes et ceux qui y travaillent peuvent combler certains besoins des jeunes, surtout lorsque les parents sont en défaut, mais ne les remplaceront jamais.

Besoin d'être encadré

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Un autre besoin d’un enfant est de se sentir encadré, mais, encadrer de quelle manière? Un cadre ne veut pas toujours dire la même chose pour tout le monde. Pour certains, c’est d’avoir une routine rigide pour que l’enfant puisse se repérer. Pour d’autres, c’est d’avoir établi une liste de règles de base et de les renforcer lorsqu’elles ne sont pas respectées. J’ai observé plusieurs enseignants et je constate la sévérité et son niveau de tolérance au chaos. Le contrôle d’un enseignant sur sa classe ne dépend pas de sa sévérité ou de sa rigidité du cadre, mais de comment il ou elle implante le cadre, de son propre système et la consistance du système. Les élèves se sentent en sécurité lorsque l’enseignant est confiant et se sent en sécurité et lorsque le cadre repose sur le bien de l’élève. Si le système de l’enseignant est implanté avec assurance, consistance, conséquence et bienveillance, l’enfant se sentira en sécurité. Trop de rigidité ou trop de laxisme ne sont pas bons pour l’enfant. Dans un système trop rigide, il ne développera pas de créativité, d’autonomie, ni d’autodiscipline. Le but est d'amener l’enfant à développer son autodiscipline. Lorsque le système est trop rigide, l’enfant répond à une série de règles pour plaire à l'enseignant ou pour avoir une récompense ou par peur de se faire trop réprimander. L’enfant n’a pas intégré les règles, il ne se les approprie pas. En même temps, un système trop laxiste peut rendre les élèves inquiets. Ils ont du mal à établir une routine qui favorise la structuration des apprentissages.

Lorsque je développe mes règles de classe, je demande souvent aux élèves de les développer avec moi. Les comportements dans la classe sont articulés par eux avec un raisonnement. D’abord, on établit quel est notre but comme classe, et comment on aimerait se sentir et nous partons de là. Cela favorise la conscientisation des raisons pour lesquelles on met en place ces règles, ce qui augmente leur compréhension de celles-ci. Parfois si je demande à un jeune enfant pourquoi il ne faut pas faire ci ou ne pas faire ça, il répond “Parce que sinon, je vais me faire chicaner." Avec cette réponse, l’enfant n’a pas intégré le pourquoi de la règle, il comprend seulement qu’il ne veut pas se faire chicaner.

Avec un système trop laxiste, l’enfant se sent hors de contrôle. TDAH moi-même, je perds parfois le fil de mes interventions. Trop concentrée sur la tâche devant moi, il m'arrive de ne pas suivre les consignes que j’ai moi-même mises en place. Pour approfondir le sujet, je vous recommande de lire les livres de Barbara Coloroso ; ils m’ont beaucoup inspiré. Elle catégorise les enseignants ou parents en trois catégories: le mur de brique, la méduse et la colonne vertébrale. Au fond, on devrait chercher à être comme une colonne vertébrale qui est solide, donne une structure, qui tient droite, mais qui possède une grande flexibilité. On évite d'émuler un mur de brique qui est inflexible, dur et intransigeant. Je ne développerai pas davantage ce sujet. Je souhaite toutefois insister sur le fait que l’enfant doit occuper le premier rang dans son processus d’apprentissage. Ainsi, il ou elle prendra possession de ses connaissances et développera des outils qu’il utilisera tout au long de sa vie.

Besoin de beauté

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Un autre besoin sous-estimé est le besoin de beauté. L’être humain a besoin de beauté. Je l’ai constaté lors d’une tournée de deux ans en Pologne. Pendant l’ère communiste, des immeubles ont été construits pour loger le monde. Ces immeubles étaient très efficaces, très pratiques, très uniformes, par-dessus tout, très laids! La laideur de toute construction communiste était frappante. De novembre à mars, la vie est morne, triste, déprimante à un tel point! Je voulais fuir, je cherchais le brin de beauté autour pour remplir mon âme. Heureusement, ces périodes ne duraient pas longtemps et heureusement dans le cadre de mon travail artistique, on se promenait alors qu’on voyait toutes sortes de paysage et de villes, certaines plus jolies que d’autres. Ironiquement, les maisons individuelles, qui souvent prenaient des années à être construites (à cette époque, les gens bâtissaient leurs maisons au fur et à mesure que l’argent rentrait), constituaient un baume pour les yeux, même si elles étaient souvent situées dans des endroits mal desservis en matière de services tels que le chauffage, l’électricité et les routes pavées. Une des grandes icônes à Varsovie, le capital du pays, est le palais de la culture qui est au centre de la ville, construite par les Russes en 1953 par Staline comme cadeau au pays. La blague que les Polonais racontent toujours est celle-ci “Où dans la ville as-tu la meilleure vue du palais de la culture? À l'intérieur, comme ça tu ne le verras pas!” Pour Elisabeth Toulet, dans son livre La Beauté à la rencontre de l’éducation, la culture et la beauté sont des éléments essentiels dans la vie de l’humain au même titre que la nourriture et un toit. C’est pour cette raison que les gens de la ville vont dans la nature pour se ressourcer, pour être développé un processus de création, c’est pour s'entourer de beauté. La nature est belle. Le ciel est une œuvre d’art chaque jour, chaque soir, et chaque minute. Les gens veulent s’entourer de belles choses. La vraie beauté est ancrée dans l”âme.


Pour cette raison, les édifices d’enseignement devraient être beaux. Un de mes enfants, qui ne prêtait pas tant d’importance à l’esthétique, est allé à une école secondaire hébergée dans un bâtiment patrimonial, érigé à la fin du 19e siècle qui est situé au bord d’une rivière. À force d’y aller chaque jour, mon enfant a constaté que c’était beau et que la beauté lui faisait du bien. Un autre de mes enfants a carrément choisi son école pour sa beauté. Elle s’est dit qu’elle n’envisageait pas d'aller chaque jour à un endroit où l'environnement était morne et non inspirant. Dommage que ce n’était pas pris en considération dans la construction de toutes les écoles. Infoman a même fait un reportage en novembre 2015 sur la condition lamentable de nos écoles. (1) En faisant le choix de garder les coûts de construction le plus bas, les gouvernements ont choisi les architectures les plus médiocres. Sans compter le manque d'entretien des écoles publiques. Ceci ne peut pas aider à inspirer nos jeunes écoliers!

D'autres besoins

D’autres besoins sont tout aussi essentiels comme le besoin de sécurité, une bonne nutrition, un bon sommeil, etc. C’est évident qu’ils sont primordiaux ; toutefois, il arrive trop souvent que l’on impose l’éducation sans tenir compte des besoins spécifiques de l’enfant. On espère alors que ceux-ci seront comblés par d’autres sources. Je m’en souviens lorsque j’étais en 8e année en Ontario, je vivais des angoisses existentielles. J’avais 13 ans et j’étais une candidate prisée pour une crisette adolescente. Je sais que j’avais la volonté de bien faire, et tous mes enseignants me disaient “Karen, tu es bonne. Tu es intelligente mais il faut juste que tu t’appliques plus. Il faut que tu t’organises mieux. Il faut que tu fasses plus d’effort.” Je ne savais pas à cette époque que j’étais ce qu’on appelle maintenant TDAH (ce que je trouve déplorable comme appellation, mais je ne vais pas rentrer dans cette discussion ici). Et j’avais des problèmes d’amitié et d’appartenance à mon école. Je ne “fittais” pas. J’ai alors fugué en plein milieu de la journée d’école pour aller consulter. Ironiquement, mon père à l’époque travaillait dans une firme de thérapie sociale. Je connaissais bien la place. Une des thérapeute a pris le temps de m’écouter. Après m’avoir écoutée un moment, elle m’a dit “Mais, ne t’inquiètes pas de tes notes et ce que disent tes enseignants. Concentre toi sur toi, que tu te sentes bien avec toi-même. Après ça, le reste va venir!” C’était un moment d’illumination! Un Eureka! J’étais libéré de la pression de la performance scolaire. Je pouvais mettre mon focus et mon énergie sur mon bien être. Et cette dame avait raison. Les années suivantes, lorsque je me sentais mieux et que je ne luttait pas contre le sentiment de rejet, les notes ont suivi. Pour la plupart. Et celles qui n’ont pas suivi…et bien, ce n’était nullement la catastrophe! Je suis encore en vie aujourd’hui. J’ai retenu le ⅛ de ce que j’étais supposé apprendre (c’est peut-être généreux), mais, j’ai eu une expérience d’école secondaire bien correct. En tout cas, je suis sortie indemne. J’ai seulement réalisé à la fin de mon parcours que j’aimais ça apprendre. Et même là, j’ai pris plusieurs années pour vivre la vie, pour obtenir de l’expérience avant de retourner sur les bancs de l’école. Et là, lorsque je suis revenue, j’étais disposée, prête et avide d’apprendre. Encore là, les points à retenir de ce récit sont que l’apprenant ne peut pas bien apprendre lorsqu’il y a un autre besoin criant. L’apprenant ne peut pas apprendre s’il ne se sent pas bien dans son milieu, s’il n’y a pas de lien d’appartenance et de relations positives avec ses enseignants et ses collègues. L’apprenant n’apprend pas tout simplement parce qu’on lui dit qu’il doit apprendre et qu’on lui dit “Ouvre la bouche et mange!”.


Un enfant dont les besoins de base ne seront pas satisfaits ne pourra apprendre. Par contre, un besoin comblé peut en soi apporter des apprentissages. Si un enfant a faim et qu’on lui apprend à faire du pain, à cuire des pâtes ou encore à jardiner, il a non seulement comblé son besoin, mais il a aussi appris.

Récapitulons, imaginons qu’il n’y a plus de système du tout. L’école comme nous le connaissons n’existe plus. Que faisons- nous? Nous avons devant nous un nouvel être arrivé sur cette planète, équipé avec sa propre curiosité, prêt (ou pas) à affronter la vie. Que faire pour prendre son éducation en main? La première étape, est de ne rien FAIRE, mais de l’écouter, d’être là, de montrer pour que l’élève puisse nous observer et nous copier, qu’on puisse le guider comme j’ai mentionné préalablement. La deuxième chose est de s’assurer que ses besoins de base soient satisfaits. S’il manque un besoin essentiel, l’apprentissage n’est pas de mise. Nous faisons appel à la famille et au besoin à la communauté pour que ces besoins soient comblés. Ensuite, toute méthode, approche, système, etc., doit impérativement mettre l’enfant, ou l’apprenant au centre. Nous n’enseignons pas pour le ministère, nous n’enseignons pas pour le système, ni pour les bureaucrates, ni pour notre directeur ou directrice. Nous enseignons pour ceux et celles qui sont là avec l’appétit d’apprendre!

 (1) https://ici.radio-canada.ca/info/videos/media-7371674/infoman-visite-ecoles-en-ruines

Étape trois : Rien faire

Karenne Friday December 29, 2023

Six Ways To Protect Young Peoples Creativity  

Comment éduquer un enfant alors ?

Au départ? Ne rien faire à part observer. Il faut observer les bruits, les mouvements autour de nous. On observe l’élève. On se présente si c’est la première fois que l’on se rencontre, on se parle, on invite l’apprenant à observer autour de lui. On lui demande ce qu’il sait déjà. On lui demande ce qu’il perçoit autour de lui. On l’écoute. L’adulte ou l'enseignant serait mieux de prendre son mal en patience et observer à son tour son ou ses élèves au lieu de penser qu’il a tout vu, tout compris et penser que maintenant c’est au tour de nos élèves de recevoir, avec gratitude, toute notre connaissance. Même en tant qu’adulte, je vois ce genre d’attitude. Un soir, je devais assister à une séance de formation. Deux heures et demie en ligne. Le formateur a tout de suite pesé sur le bouton “en marche”, et son discours est sorti de sa bouche, comme un monologue bien perfectionné, comme un texte bien écrit, et ne s’est pas arrêté pendant une heure. Comme je connaissais déjà tout ce qu’il disait, plutôt que de perdre mon temps, je l’ai investi à faire autre chose. Mais, je suis un adulte, je suis pour la plupart respectueuse et je suis capable de me contrôler et de rester calme. Imaginez un enfant qui comprend la matière rapidement ou qui a déjà des connaissances. Son intérêt sera minime, il sera tenté de faire autre chose voire choisira de déranger la classe. C’est souvent ces petits êtres qui comprennent vite qui vont déranger la classe puisqu’ils n’ont ni l’attention, ni la concentration d’écouter. Les enseignants partent du principe que les jeunes ne possèdent pas de connaissances préalables sur ce qu'ils vont apprendre. Ainsi avec la pression de livrer la matière, de faire en sorte que tous les élèves soient au même niveau au même moment, l’enseignement traditionnel permet peu de temps et d’espace pour l’exploration individuelle et le développement de la curiosité.


Plusieurs professionnels vont penser que c’est impossible de structurer une classe d’une façon à permettre de l’exploration individuelle et d’encourager la curiosité pour une classe de 20 + élèves. Souvent, l’idée de regrouper plusieurs enfants du même âge dans une classe sous un enseignant est une question de rentabilité. C’est dommage que l’enseignement doive être réduit en sous et question de rentabilité. Mais, imaginons pour un instant que vous n'avez pas 20 élèves. Imaginons que le système n’existe plus comme nous le connaissons. Il faut partir de cette prémisse que le système actuel n’existe plus et ensuite nous réussirons à rebâtir un système, ou plusieurs systèmes qui soient adaptés à l’apprentissage et aux individus qui sont les apprenants. Les écoles dites “alternatives” ont conçu des programmes innovants plus axés sur l’apprenant. Elles ont essayé d’évoluer, d’expérimenter et d’innover, mais elles sont restées l'exception et même des écoles hors de la portée de la plupart des gens.

Je reviens à mon allégation du début ; les enfants naissent curieux. Les enfants veulent apprendre. C’est pour ça que la première chose à faire avec notre apprenant c’est rien! Il veut apprendre. Il est curieux! Je suis 100% d’accord avec Montessori qui considérait que les enseignants sont des guides. L’adulte qui connaît la vie guide l’enfant dans ses apprentissages. L’enfant a besoin d’aide pour décoder la masse d’information qui l'entoure. Une fois qu’il comprend les codes, il est en mesure d’apprendre par lui-même. Apprendre comment apprendre est encore plus important que d’ingérer de l'information.

Comme enseignante de musique, c’est certain que les cours qui consistent à explorer les instruments ou à créer en groupe sont merveilleux pour leur laisser la place à l’exploration, le développement individualisé et un apprentissage plus approfondi de la matière. Par contre, cette méthode pose un problème de bruit. J'ouvre souvent mon local pendant les récréations aux enfants qui veulent explorer les instruments ou créer et tout honnêtement je suis étonnée par ce que les enfants découvrent ou développent pendant ce moment-là. Si je le pouvais, je m'organiserais davantage de cette manière pour permettre plus d'enfants de profiter de cette expérience à plusieurs moments. Mais ce n'est pas pratique avec un local de musique et avec l'organisation de l'horaire. Si les locaux sont organisés afin d’optimiser l’apprentissage et ils sont adaptés aux matières lorsque nécessaire, nous pouvons vraiment dire que l’apprentissage et l’apprenant sont au centre de notre système. Si nous organisons les horaires afin d'optimiser l'apprentissage au lieu d'autour de la bureaucratie, là, l'apprentissage devient gagnant, souple et s'adapte. Si nous ne faisons que “faire avec”, ou coupons toujours les coins dans le matériel et dans l’aménagement, nous n’optimisons pas l’apprentissage.

Françoise Dolto, Barbara Coloroso, Élise et Célestin Freinet et d’autres faisaient l'apologie d’une éducation centrée sur l’enfant ou l’apprenant. Ce qui signifie que l’enseignant est là pour les élèves et non l’inverse. Actuellement, j’ai l’impression que l’enfant est au service du système, de l’enseignant, du curriculum ou de son futur employeur. Étrange, puisque nous avons établi que l’enfant est déjà curieux et que c’est lui qui veut apprendre. Alors, pourquoi lui enlever ce désir? Pourquoi lui suggérer qu’il est là pour nous et non l’inverse? Comme dit Piaget : “On «n'enseigne» pas le développement intellectuel ni les structures du raisonnement; ils ne peuvent que se construire par la coordination des actions. Quand les enfants sont curieux, actifs intellectuellement, ils bénéficient d'occasions d'expériences et d'échanges entre eux, ont-ils besoin d'un maître ? La réponse à cette question exige qu'on se mette à la place des enfants: les adultes font partie, paradoxalement, de la réalité enfantine. Les enfants et les adolescents sont curieux (au moins de temps en temps) de ce que font, pensent et savent les adultes. Ces derniers constituent donc pour eux des interlocuteurs en même temps que des agents de transmission culturelle” (1)

Mais alors, que faire avec l’enfant qui ne démontre pas cette aptitude naturelle pour la curiosité et l’apprentissage?

Voilà que nous arrivons au prochain point...

(1) Allaire-Dagenais, L. (1983). Jean Piaget et l’éducation. Québec français, (49),
72–73.https://www.erudit.org/fr/revues/qf/1983-n49-qf1210776/55422ac.pdf

Étape deux : Tenir compte de la curiosité des enfants

Karenne Friday December 29, 2023

Nadia Wow Arc En Ciel   

Un enfant est curieux de base. Pensez à un enfant que vous connaissez. Si vous en avez, c’est une bonne référence. Un parent est souvent émerveillé par son enfant qui, dès un jeune âge, explore, se fascine, cherche et découvre son environnement. Il faut bien suivre un petit qui commence à ramper, car l’enfant, sans souci des dangers imminents, partira à l’exploration de son environnement comme un astronaute qui pose le pied pour la première fois sur une nouvelle planète. Apparemment, lorsque je n’avais que 2 ans et que mes parents étaient en visite à Toronto, je me suis faufilé à l’extérieur et j'ai commencé à me promener seule dans les rues. Heureusement, mes parents s’en sont rendu compte et m’ont récupérée avant que j’en aie eu le temps de me perdre ou d’avoir un accident. Mes premières tentatives de devenir exploratrice venaient d’être déjouées.

Quel parent n’a pas vu son enfant repérer un drôle d’objet par terre, balle, roche, mouche, etc., pour ensuite le mettre dans la bouche. On pense aux tout petits, mais la découverte ne se termine pas après seulement quelques années. Un adolescent cherche également à pousser les limites de ce qu’il connaît . C’est essentiel pour tester si tout ce qu’on lui a dit est vraiment la réalité. Mais que faire avec cette curiosité? Qu’est-ce qu’il veut savoir? Pourquoi? Qu’avons-nous à leur montrer?

Pour plusieurs auteurs qui ont écrit sur le sujet (Roger Cousinet, Jean Piaget, Elisabeth Toulet, Paulo Freire, Henri Matisse et j’en passe), l'éducation formelle, standardisée et institutionnalisée est devenue problématique, car elle n’encourage pas assez le questionnement, la créativité ou le sens critique. Sans la possibilité de remettre les apprentissages ou la vie en général en question, on risque de perpétuer certains comportements néfastes, de couper la curiosité et le désir d’apprendre ou même de remplir les têtes de connaissances inutiles. Un système qui encourage la régurgitation de ce qui a été mis dans la bouche des enfants n’est pas une vraie éducation. L’enfant ne saura pas comment utiliser ses apprentissages dans des contextes variés ni pourquoi il doit faire certains apprentissages.

Voici une anecdote qui illustre bien ceci. C’est l’histoire d’une jeune femme qui coupe cérémonieusement les jambes de sa dinde en les plaçant stratégiquement en dessous de l’oiseau avant la cuisson pour le Gand festin familial de chaque Noël. Sa fille demande pourquoi elle fait ça. Elle répond que c’est important de faire ça avant la cuisson parce que c’est ce que sa mère lui a dit. Alors, la jeune fille s’en va voir sa grand-mère et elle demande pourquoi c’est important de couper les jambes de la dinde avant la cuisson. Elle répond que sa mère à elle lui a dit que c’était important. Par chance, l’arrière-grand-mère était encore en vie et elle était présente lors de cette grande réunion familiale, alors la petite fille va voir son arrière-grand-mère pour lui demander l’importance de couper les jambes de la dinde avant la cuisson. La vieille dame lui répond que c’était la seule façon de faire rentrer la dinde dans sa petite casserole allant au four dans le temps. Heureusement que la petite fille était curieuse et avait un sens critique, car elle saura la vraie raison de ce petit rituel.

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Donc tout enfant est curieux, mais…
À l’école, on ne nous encourage pas souvent à être curieux. On place un adulte devant les enfants et l’adulte inculque aux élèves toutes les connaissances préalablement choisies par les instances le mieux qu’il ou elle le peut en suivant des techniques, en utilisant des méthodes ou encore du matériel propice à répartir cette connaissance. À la fin de l’année, l’enseignant est obligé d’évaluer pour voir si ces connaissances ont bel et bien été apprises (malgré le fait que beaucoup vont l’oublier aussi vite pendant les vacances d’été). L'idée derrière cette façon d’organiser l’apprentissage était de donner les meilleures chances à tous les enfants pour qu’ils puissent grandir et avoir un bel avenir, peu importe sa situation familiale ou sa position socio-économique.

C’est vrai que si nous étudions ceux qui sont moins nantis, on constate qu’il faut un système ou un filet pour aider ces enfants à accéder à certaines connaissances afin de pouvoir grandir avec les meilleures chances. Beaucoup d’études ont été réalisées sur ce phénomène, et parfois il est possible de récupérer certains enfants grâce à de nouveaux programmes, à de nouvelles approches ou à des services élargis. Mais, trop souvent, les cycles de pauvreté, d’inégalités et d’ignorances continuent. Pourtant, ces enfants ont obtenu des connaissances à travers le système; des connaissances qui les ont aidées, du moins, c’est ce qu’on nous dit. Graĉe à cette éducation, les adultes fonctionnent relativement bien. La plupart réussissent à se trouver un emploi et à effectuer leurs tâches sans trop de difficultés. Ils conduisent des autos, achètent des choses, élèvent des enfants. Semblerait-il alors que l’éducation a réussi son pari. Mais, qu’est ce qu’on cherche, quel est notre but, quelle est notre essence, notre raison d’être sur cette planète? Pourrait-il que ce soit plus qu’obtenir un emploi, conduire une auto, procréer pour procréer, consommer et avoir de légères conversations avec les autres qui nous entourent? N'aurait-il pas plus que ça à notre existence? Nous avons tous notre spécificité et c’est ce qui rend l’humanité fascinante, et aucune approche à l’éducation ne devrait enlever la spécificité de chaque être humain. Mais alors, qu’est-ce que l’humain? Qu’est-ce qu’il doit être? Qu’est-ce qu’il faut apprendre? Pourquoi apprendre?


Comment en sommes-nous arrivés là? Nous avons la preuve que les enfants sont curieux et veulent connaître le monde qui les entoure et nous en sommes arrivés à un système qui décourage et démotive une bonne partie de la jeune population. Apprendre ne devrait en aucun cas être perçu comme une corvée. Oui, il y a un effort qui doit être fourni, mais cet effort devrait tomber dans la catégorie du “flow” comme dit Csikszentmihalyi, qui étudiait la psychologie du bonheur et du bien-être. Il constatait que, même dans des situations ou de grands efforts doivent être déployés pour quelque chose, si c’est dans quelque chose de stimulant, de passionnant et qui nous interpelle, on est plus heureux dans cette activité que dans le repos ou à rien faire (j’ai simplifié, mais l’important est de retenir le concept du flow dans une activité stimulante). Il dit qu’il y a une corrélation entre le bien d’être et d’être dans la réalisation d’une activité quelconque. Lorsque nos habiletés sont utilisées dans une expérience optimale, nous sommes dans le “flow” et c’est ce sentiment qui nous rend heureux. C’est pour cette raison que des athlètes peuvent se forcer jusqu’à l’extrême dans une activité quelconque, ou un artiste n’arrêtera pas même dans des conditions extrêmes ou difficiles. Alors, un enfant, pour qui l’univers devant lui est nouveau, inexploré et fascinant, ne devrait jamais se lasser d’apprendre et de faire des découvertes.

Il y a une autre étude intéressante qui démontre l’effet de la motivation intrinsèque des enfants pour certaines activités à la maternelle. L’étude prend deux groupes d’enfants : un reçoit une récompense pour une activité que l’enfant faisait de façon autonome auparavant, l’autre ne reçoit toujours pas de récompense. Les enfants du groupe qui recevait une récompense pour l’activité perdaient de l’intérêt à l’activité petit à petit, tandis que les enfants qui faisaient l’activité juste pour le plaisir, continuaient à le faire et à en prendre plaisir. Cela illustre bien cette idée des enfants qui sont curieux ou qui veulent apprendre et faire des activités qui contribuent à leur apprentissage. L’étude fait l’argument qu’aussitôt que nous renforçons une activité d’apprentissage avec une récompense, l’enfant devient méfiant de l’activité et se demande pourquoi l’activité nécessite une récompense et alors assume que l’activité en soi ne doit pas être si intéressante.

Je me souviens d'un des moments où mon apprentissage a pris un essor. Lors d’ une grève du corps enseignant, mes parents ont décidé de m'emmener à la bibliothèque et je pouvais sortir tous les livres que je voulais. J’ai eu l’envie de tout sortir. J’ai passé des heures allongées sur le tapis dans le salon à lire des livres sur les constellations, sur la nature et toutes autres choses. Je me souviens d’avoir été déçue lorsque l’entente a été finalisée puisque je devais retourner à l’école et m'ennuyer à nouveau!

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C’est dans ces moments-là où les différences socio-économiques et culturelles peuvent être plus prononcées. Mes parents, étant bien scolarisés et stimulés culturellement, ont eu le réflexe de m’emmener à la bibliothèque lorsque l’école n’était plus accessible. Mon père m’engageait dans plusieurs activités intéressantes autour de la maison et dans le jardin et ma mère, enseignante passionnée d’éducation et de lettres, prêchait par l’exemple. Cependant, si j’avais fait un sondage à cette époque-là pour savoir ce que les autres familles ont fait pendant cette période, j’aurais probablement été surprise par la disparité du stimulus offert par les familles. Nous n’avons qu’à étudier un phénomène plus récent pour en constater une chose similaire, celui du confinement lors du Covid. Certains élèves ont pu profiter de la chance d’avoir fait des choses extraordinaires avec leurs parents et leurs frères et sœurs pendant cette période. J’étais enseignante au primaire pendant ce temps et j’ai constaté que pour certains enfants, l’école était un inhibiteur, les empêchant d’explorer, d’apprendre, d’être fasciné par la vie et pour d’autre, le manque de stimulation à l’école a eu une incidence néfaste sur leur développement. Certains enfants sont revenus en force après cette période-là, et en ont témoigné regretter un retour. D’autres ont perdu toute motivation et sont revenus perdus et sans initiative.

Devant la disparité entre les familles et les chances données à chacun, vous vous direz: “Bon, vous voyez? L’école standardisée et institutionnalisée est la meilleure solution offerte. Ce n’est pas parfait, mais ça empêche les grands écarts entre les enfants issues de différents milieux socioéconomiques.” Oui, ça permet à certains enfants d’accéder à des connaissances et plus encore, de la stimulation qui ne serait pas possible s’il n’y avait pas l’école. Mais penchons sur Maria Montessori avant d’aller plus loin.

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Maria Montessori

Maria, une de mes grandes héroïnes, a constaté l’écart entre les enfants issues de familles moins aisées et les plus nanties en matière d'éducation. Elle remarquait que le fait de ne pas avoir accès à certaines choses, certains matériaux et même encore certains environnements étaient ce qui nuisent le plus à ces enfants. Elle a donc, entre autres, rempli ses écoles d’objets communs auxquels les enfants défavorisés n’avaient pas accès. Elle encourageait les enfants à explorer, à manipuler différents objets et elle a créé plusieurs matériels pédagogiques qui excitaient la curiosité et la découverte. L’enseignante devenait guide et laissait les enfants explorer, s’organiser et interagir avec son environnement. L’enseignante faisait des démonstrations, mais le temps de l’élève était investi à explorer et découvrir plutôt que d’écouter et de régurgiter. Comme c’est bien expliqué dans sa page Wikipédia : “ Given a free choice of activity, the children showed more interest in practical activities and Montessori's materials than in toys provided for them and were surprisingly unmotivated by sweets and other rewards.” Elle plaide pour une éducation basée sur la curiosité innée de l’enfant. L'enseignante devenait davantage une observatrice qui ramassait de l’information sur ses apprenants et par la suite pouvait cibler les apprentissages et les découvertes. Mais, ses recherches dans les classes ouvrières ont vite fait du bruit dans les familles aisées. Ironiquement, ce sont davantage les nantis ici en Amérique du Nord qui en bénéficient de ses recherches et de ses méthodes. Ce qu’elle préconise reste d’actualité et mérite une sérieuse considération. Mais, comme j'ai mentionné précédemment dans cet ouvrage, je ne mets pas une méthode au-dessus d'une autre. Je veux, par contre, évoquer la curiosité de l’enfant qui le pousse à comprendre son environnement. Lorsque ce n’est pas le cas, il y a d’autres forces en jeu, et nous en reviendrons. L’éducation formelle, standardisée et institutionnalisée n'exploite pas suffisamment la curiosité de l’enfant.

Étape Un : Épurer le système

Karenne Friday December 29, 2023

 

  Empty Room  

Vivre sur cette planète prend certaines connaissances. En tant qu’humains, nous naissons avec peu d’instinct. Tout doit nous être montré. Nous apprenons en imitant, en répétant, en jouant, en observant et par essai et erreur. On a formalisé l’éducation afin de centraliser et contrôler les savoirs. La raison pour laquelle la plupart des pays ont décidé de rendre l’éducation formelle d’un bien public est pour donner les chances égales à tous, ou du moins, le plus possible. En théorie, c’est une belle idée et on ne peut pas contester qu’elle ait eu une bonne influence dans la population. Comme dans beaucoup de cultures, l’éducation formelle était d’abord pour les riches, et les autres devaient se contenter de ce que leurs parents pouvaient leur apprendre. Souvent, ce que les parents connaissaient était en lien direct avec ce qu’ils faisaient pour subvenir à leurs besoins et les besoins de leurs familles. Alors, l’apprentissage était très pratique, mais très limité. L’Église au Québec a pris l’éducation en main afin d’assurer une génération de bons petits chrétiens et si ces bons petits chrétiens apprenaient quelques notions de mathématiques et de français en cours de route, ça ne pourrait pas nuire. Ensuite, l’État a pris l’éducation en charge. Avec l'industrialisation, on a constaté l’avantage d’avoir une main-d'œuvre plus éduquée. On a voulu alors imposer l’éducation formelle et standardisée à tous. La famille industrielle devenait un bien au service de la société de consommation. Il faut occuper les enfants et faire en sorte qu’ils grandissent en faisant partie de la société et deviennent de bons petits consommateurs et contribuent à faire rouler l’économie à leur tour.

Mon résumé est un peu simpliste et je sais qu’il y a beaucoup de nuances et de détails manquants, mais, en gros, il faut retenir que l’éducation formelle, standardisée, obligatoire, sert primordialement à faire rouler l’économie dans une société de consommation. Plus nous formerons de bons travailleurs efficaces , mieux notre économie va se porter. Avec une économie saine, les petits travailleurs peuvent aller magasiner les fins de semaine et participer à des multiples activités de loisirs. Tout pour que ça retourne dans le système afin de le faire tourner. Et comme notre système au Québec est sectaire, on réserve la ‘très bonne’ éducation pour former ceux et celles qui deviendront nos leaders, nos chefs d’entreprises et nos professionnels d’emplois les plus proéminents. Les autres vont devoir se contenter d’une éducation de base et être mélangés avec ‘ceux qui restent.’ Certains auront accès à des emplois de qualité et à des salaires encore plus élevés, tandis que beaucoup demeureront en bas de l'échelle salariale. (1)

Même si ceci n’est pas un essai pour faire l’histoire de l’éducation et du système éducatif ni une comparaison des systèmes d’ici ou d’ailleurs, il faut tenter de comprendre sommairement d’où est venue l’idée de l’éducation formelle, standardisée et institutionnalisée. Il y a d’autres ouvrages qui traitent de l'histoire de l'éducation en profondeur. Il y en a aussi qui comparent les systèmes et les approches. Je n’en ferai pas le récit de ces éléments-là, mais je vous invite à faire un petit tour de certains ouvrages qui traitent le sujet. Je crois qu’il est important de se poser la question d'où vient l’idée de prendre politiquement en charge l'éducation , de choisir un curriculum et de le répandre globalement. Maintenant, sortons l’éducation du système tel qu’on le connaît et repensons notre relation avec l’apprentissage.

Certains systèmes ont leurs mérites. On entend parfois parler des études démontrant le succès de l’éducation dans d’autres pays. On fait souvent référence aux pays scandinaves. On peut même en tirer des aspects positifs de notre système ici au Québec qui se dit un système pour tous, qui dit vouloir donner des chances à tous les enfants et qui cherche désespérément à mettre tout le monde au même niveau. Un livre qui m'a inspiré récemment fait une méta-analyse de plusieurs études pour déterminer les stratégies et approches les plus efficaces se basant sur le rendement des élèves. (2) C’est un ouvrage très intéressant et très détaillé, mais encore, il ne fait que l’analyse de ce qui est fait et des méthodes employées actuellement. J’en ferai référence à quelques reprises puisqu’il y a beaucoup d’éléments à retenir.

En même temps, ce que j’écris n’a pas pour but d' analyser le système pour ensuite le modifier, le bonifier, le perfectionner ou d’en créer un autre, mais de questionner les bases de l'éducation elle-même. Qu’est-ce que l’éducation? Quel est notre but en envoyant nos enfants toute la journée 5 jours sur sept dans des établissements consacrés à faire apprendre aux enfants des choses que nous avons jugées comme étant importantes? Nous cherchons à leur apprendre ce que nous avons désigné d’important à apprendre. Dans nos cultures occidentales, nous insistons sur le fait que tout le monde a le droit à l’éducation. Même si on peut être d’accord sur ce principe, on doit se poser la question: quelle éducation? Et pourquoi devons- nous ‘faire’ apprendre aux enfants? Nous partons alors d’une prémisse que les enfants ne veulent pas apprendre et n’apprendrons pas les choses comme il faut s’ils ne sont pas encadrés dans un système et guidés par des mentors adultes que nous avons embauchés pour arriver à ces fins. Nous déterminons qu’ils ont besoin des mêmes balises chacun et qu’en abordant les exigences prédéterminées, ils seront prêts à affronter la vie et ils auront les bases nécessaires pour être des adultes et vivre leurs vies convenablement sur cette planète. Seulement, si je regarde beaucoup d’adultes issues de ce système, je m'interroge sur l’efficacité de cedit système. Des adultes pensants, critiques, créatifs et imaginatifs, il y en a moins que ce qu’il devrait y en avoir, selon moi, afin de créer une société pensante, intéressante, avec des acteurs proactifs et qui sont capables de prendre des décisions intelligentes et critiques pour eux-mêmes et pour la société en général. Et l’intelligence, qu’est-ce que c’est au fond? Est-ce que c'est le fait de pouvoir écrire sans fautes? Ou bien connaître ses tables? Le signe d'intelligence serait-il de grandir et devenir PDG d’une grande compagnie? Prenons le temps de réfléchir profondément à cette question.

(1)Articles pertinents sur le système d’éducation à trois vitesse au Québec https://www.lesoleil.com/2022/10/19/un-systeme-scolaire-quebecois-a-trois-vitesses-b0a8d35956d815f64c9781bf316bfc87/ https://lactualite.com/societe/education-en-finir-avec-lecole-a-trois-vitesses/ https://www.lapresse.ca/affaires/chroniques/2022-05-14/a-propos-de-l-ecole-a-trois-vitesses.php

(2) Hatie, John, (2017). L’apprentissage visible pour les enseignants : connaître son impact pour maximiser le rendement des élèves. Préface de Monique Brodeur, Claude St-Cyr. Traduction, Marc Denis. Québec (Québec). Presses de l'Université du Québec.

Introduction

Karenne Tuesday December 26, 2023

Classe Primaire   

 

Fermez vos yeux. Repensez à vos années à l’école. Vous revoyez les classes de la maternelle jusqu’à la fin de votre secondaire. Vous humez les odeurs plaisantes et celles qui le sont moins. Vous revoyez vos enseignants, parfois plein d’amour et de passion, parfois stricts et froids. Vous imaginez les chaises, les bureaux, vos petits cahiers et le tableau en avant. Vous revoyez également vos camarades de classe. Certains étaient vos amis, et certains non. Certains représentaient même une source de détresse pour vous. Évidemment, il faut revisiter la cour d’école; l’endroit de prédilection pour un jeune enfant du primaire. C’est là où les amitiés se faisaient, se brisaient et où l’enfant explorait. Essayez maintenant de vous remémorer des choses que vous avez apprises. C’est peut-être moins évident. L’école peut être un endroit plaisant, déplaisant et parfois neutre, mais une chose est certaine, c’est un endroit significatif dans la vie de tous les enfants dans les pays industrialisés. Un enfant passe plus de temps à l’école que dans sa propre famille. C’est pour cette raison que ce n’est pas une affaire à prendre à la légère. Lorsque j’ai fait ma maîtrise en sociologie, j’ai constaté à quel point l’école a une influence significative sur l’enfant. La famille a généralement la plus grande influence sur l’enfant et l’école est en deuxième place. Vous vous dites peut-être que c’est évident, mais, si c’est si évident, pourquoi a-t-on tendance à accepter l’école dans sa forme actuelle et que l’on ne met pas plus d’importance sur cette institution?

L’éducation. C’est tout un concept. Par où commencer? Et que pourrais-je dire de plus qui n'ait pas déjà été écrit? Peut-être rien du tout. Pourquoi l’écrire alors? Parce que je suis passionnée par l'éducation et que je prends les enfants au sérieux. Nous avons le devoir de prendre les enfants et leur enseignement au sérieux, non seulement parce que c’est l’avenir, mais parce que c’est le présent! Nous les adultes sommes tellement préoccupés par nos occupations, nous courons à gauche et à droite, on ne prend pas le temps que l’on devrait pour réfléchir et s’engager dans les choses qui concernent notre bien-être personnel et notre bien-être collectif. J’entends beaucoup de parents dire qu’ils ne trouvent pas assez de temps pour passer de beaux moments avec leurs enfants. C’était l’objet de recherche de mon mémoire de maîtrise: la satisfaction relationnelle dans les familles. Tous les questionnaires qui ont été remplis par les parents, ainsi que par les enfants démontrent que nous n’avons pas de temps, pas de temps pour les choses essentielles et surtout pas pour la famille. Pourtant, nous en réclamons toujours davantage. Ceci étant dit, nous laissons nos enfants dans les institutions chaque matin et nous espérons ardemment que ceux qui y œuvrent puissent faire un beau travail avec notre progéniture.

J’aimerais vous inviter à repenser la notion de l'éducation. Je souhaiterais que nous puissions prendre le temps d’y réfléchir sérieusement afin de nous questionner sur notre rôle dans l’éducation des enfants et de nous interroger sur comment cette institution pourrait être repensée. Dans la loi sur l’instruction publique, j’ai découvert à ma grande surprise en 2014 qu’il y a une clause qui permet aux parents de faire la demande d’une autre sorte d’éducation.(1)  C’est comme ça que les écoles alternatives ont vu le jour. Il existe donc un précédent pour que les parents s’investissent davantage dans une réflexion sur l’éducation. Je crois que l’on peut pousser cette réflexion sur l’éducation plus loin. Je crois en effet que l’on peut refaire le système au complet afin que tous les enfants puissent en bénéficier. Vaste programme me direz-vous, et c’est vrai que c’est une tâche colossale, je suis bien d’accord. En même temps, si nous prenons exemple sur les initiatives déjà prises par le passé, et si on se donne ce mandat en prenant l’éducation à cœur, je demeure convaincue que c’est tout à fait possible. J'espère du moins insuffler un élan de réflexion sur ce sujet, qui est véritablement un des piliers de notre société, en plus d’être une de mes passions. Je souhaite que cet ouvrage soit accessible à tous les citoyens.  Je voudrais enclencher un débat sur la façon dont on conçoit et aborde l’éducation.

J’ai travaillé longtemps dans le système, à côté du système, en parallèle du système, à l’extérieur du système et j’ai observé plusieurs façons d’aborder l’éducation dans plusieurs pays et régions. Je vous fais part de mes réflexions sur l’éducation parce que je crois que nous avons perdu de vue le véritable but, le sens et la mission de l’éducation dans sa forme actuelle. On continue à faire comme avant. Et si on ne se pose pas trop de questions, ça semble fonctionner. Après tout, ce n’est pas si mal. Mais, est-ce qu’elle fonctionne ? Est-ce que l'éducation est optimale dans sa forme actuelle ? Si l’on pose un regard critique sur l’ éducation telle qu’on nous la propose, nous voyons plusieurs problématiques.

La réflexion que j’amorce ici fait également suite au cri de cœur de mes collègues dans l’enseignement. Il est temps d’écouter les gens qui œuvrent dans le système d’éducation et qui transmettent des connaissances aux enfants; ceux qui doivent livrer la marchandise, composer avec nos enfants, gérer toutes sortes de situations qui comportent des tensions et des défis, mettre en pratique les notions, les réformes, les politiques, les méthodes, et j'en passe. Nous n'arriverons pas à un consensus immédiat, mais nous devons entamer cette discussion, et essayer de faire table rase et laisser de côté tout ce qu’on connaît, tout ce qu’on croit connaître sur l’éducation et nos conceptions de ce qu’elle “devrait” être, avant de prendre des décisions. On doit poser des questions et chercher à comprendre ce qu’on essaye vraiment de faire.

On le constate, on le crie : “Les problèmes sont connus, mais nous semblons incapables de les résoudre. Et la pandémie n’a fait qu’exacerber cet état des choses. Une réflexion collective sur le système, incluant tous les acteurs concernés, ferait œuvre utile.” (2)

Ainsi, je joins ma voix à mes prédécesseurs qui ont beaucoup influencé l’éducation et pour qui j’ai une grande admiration. Je nomme surtout Maria Montessori, Célestin Freinet, Jean Piaget, Paulo Freire, Augusto Boal, Barbara Coloroso, mais aussi, mes parents, mes grands-parents paternels, mes oncles et mes tantes qui ont tous œuvré dans l’éducation et qui m’ont inspiré. Je n’oublie pas tous les enseignants passionnés que j’ai eu la chance de croiser.

À travers ce récit je tenterai de poser des questions et d'entreprendre un questionnement sociétal afin que nous puissions débattre l’éducation et de l’avenir.  Nous devons repenser notre façon de traiter les enfants. Je vous invite à vous poser des questions parce qu’il ne revient pas uniquement aux décideurs , aux bureaucrates et aux enseignants de le faire:c’est un enjeu de société. Oui, il y a des gens qui étudient la question plus en profondeur, mais il est de notre devoir d’être informés et de se responsabiliser, afin de pouvoir s’opposer si besoin est, et de participer à l’élaboration d’un système, plutôt que de s’en faire imposer un à n’importe quel prix.

En même temps, nous ne sommes pas des experts en éducation simplement du fait d’avoir nous aussi fréquenté des écoles. Par contre, je crois qu’en nous impliquant davantage et en faisant un peu de recherche, un peu de réflexion et d’introspection, nous pourrons contribuer à la métamorphose du système. J’espère sincèrement que ce texte servira à en inspirer plusieurs à repenser leur approche à l’éducation.


Les collaborateurs du manifeste sur l’éducation au Québec l'ont bien dit : “Pour l’essentiel, le Manifeste invite le Ministère à procéder à un changement profond d’attitude en se concentrant sur le pourquoi de l’éducation” (3) et comme le précise Paul Gérin Lajoie, le père fondateur du ministère de l’Éducation au Québec : « Ce travail éducatif généralisé nécessite des investissements matériels, mais il exige surtout pour atteindre son but une mobilisation de tous les acteurs autour d’une vision partagée de l’avenir. » (4)

(1) Loi sur l’instruction publique, article 240 : Exceptionnellement, à la demande d’un groupe de parents et après consultation du comité de parents, la commission scolaire peut, avec l'approbation du ministre, aux conditions et pour la période qu’il détermine, établir une école aux fins d’un projet particulier autre qu’un projet de nature religieuse.  La commission scolaire peut déterminer les critères d’inscription des élèves dans cette école.

(2) Sirois, Alexandre.  Au Québec, l’éducation mérite (encore) mieux,  La Presse. https://www.lapresse.ca/debats/editoriaux/2021-02-07/au-quebec-l-education-merite-encore-mieux.php

(3) Juneau, Albert et cie.   Donner une nouvelle impulsion à la réussite scolaire au Québec, Manifeste sur l’éducation au Québec.

(4) Doray, Pierre et Claude Lessard, direction.  Coll (2015).  50 ans d’éducation au Québec.  Préface par Paul Gérin-Lajoi.  Montréal.  Presses de l'Université du Québec. 308 p.

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