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Éducation

Étape trois : Rien faire

Karenne Friday December 29, 2023

Six Ways To Protect Young Peoples Creativity  

Comment éduquer un enfant alors ?

Au départ? Ne rien faire à part observer. Il faut observer les bruits, les mouvements autour de nous. On observe l’élève. On se présente si c’est la première fois que l’on se rencontre, on se parle, on invite l’apprenant à observer autour de lui. On lui demande ce qu’il sait déjà. On lui demande ce qu’il perçoit autour de lui. On l’écoute. L’adulte ou l'enseignant serait mieux de prendre son mal en patience et observer à son tour son ou ses élèves au lieu de penser qu’il a tout vu, tout compris et penser que maintenant c’est au tour de nos élèves de recevoir, avec gratitude, toute notre connaissance. Même en tant qu’adulte, je vois ce genre d’attitude. Un soir, je devais assister à une séance de formation. Deux heures et demie en ligne. Le formateur a tout de suite pesé sur le bouton “en marche”, et son discours est sorti de sa bouche, comme un monologue bien perfectionné, comme un texte bien écrit, et ne s’est pas arrêté pendant une heure. Comme je connaissais déjà tout ce qu’il disait, plutôt que de perdre mon temps, je l’ai investi à faire autre chose. Mais, je suis un adulte, je suis pour la plupart respectueuse et je suis capable de me contrôler et de rester calme. Imaginez un enfant qui comprend la matière rapidement ou qui a déjà des connaissances. Son intérêt sera minime, il sera tenté de faire autre chose voire choisira de déranger la classe. C’est souvent ces petits êtres qui comprennent vite qui vont déranger la classe puisqu’ils n’ont ni l’attention, ni la concentration d’écouter. Les enseignants partent du principe que les jeunes ne possèdent pas de connaissances préalables sur ce qu'ils vont apprendre. Ainsi avec la pression de livrer la matière, de faire en sorte que tous les élèves soient au même niveau au même moment, l’enseignement traditionnel permet peu de temps et d’espace pour l’exploration individuelle et le développement de la curiosité.

Plusieurs professionnels vont penser que c’est impossible de structurer une classe d’une façon à permettre de l’exploration individuelle et d’encourager la curiosité pour une classe de 20 + élèves. Souvent, l’idée de regrouper plusieurs enfants du même âge dans une classe sous un enseignant est une question de rentabilité. C’est dommage que l’enseignement doive être réduit en sous et question de rentabilité. Mais, imaginons pour un instant que vous n'avez pas 20 élèves. Imaginons que le système n’existe plus comme nous le connaissons. Il faut partir de cette prémisse que le système actuel n’existe plus et ensuite nous réussirons à rebâtir un système, ou plusieurs systèmes qui soient adaptés à l’apprentissage et aux individus qui sont les apprenants. Les écoles dites “alternatives” ont conçu des programmes innovants plus axés sur l’apprenant. Elles ont essayé d’évoluer, d’expérimenter et d’innover, mais elles sont restées l'exception et même des écoles hors de la portée de la plupart des gens.

Je reviens à mon allégation du début ; les enfants naissent curieux. Les enfants veulent apprendre. C’est pour ça que la première chose à faire avec notre apprenant c’est rien! Il veut apprendre. Il est curieux! Je suis 100% d’accord avec Montessori qui considérait que les enseignants sont des guides. L’adulte qui connaît la vie guide l’enfant dans ses apprentissages. L’enfant a besoin d’aide pour décoder la masse d’information qui l'entoure. Une fois qu’il comprend les codes, il est en mesure d’apprendre par lui-même. Apprendre comment apprendre est encore plus important que d’ingérer de l'information.

Comme enseignante de musique, c’est certain que les cours qui consistent à explorer les instruments ou à créer en groupe sont merveilleux pour leur laisser la place à l’exploration, le développement individualisé et un apprentissage plus approfondi de la matière. Par contre, cette méthode pose un problème de bruit. J'ouvre souvent mon local pendant les récréations aux enfants qui veulent explorer les instruments ou créer et tout honnêtement je suis étonnée par ce que les enfants découvrent ou développent pendant ce moment-là. Si je le pouvais, je m'organiserais davantage de cette manière pour permettre plus d'enfants de profiter de cette expérience à plusieurs moments. Mais ce n'est pas pratique avec un local de musique et avec l'organisation de l'horaire. Si les locaux sont organisés afin d’optimiser l’apprentissage et ils sont adaptés aux matières lorsque nécessaire, nous pouvons vraiment dire que l’apprentissage et l’apprenant sont au centre de notre système. Si nous organisons les horaires afin d'optimiser l'apprentissage au lieu d'autour de la bureaucratie, là, l'apprentissage devient gagnant, souple et s'adapte. Si nous ne faisons que “faire avec”, ou coupons toujours les coins dans le matériel et dans l’aménagement, nous n’optimisons pas l’apprentissage.

Françoise Dolto, Barbara Coloroso, Élise et Célestin Freinet et d’autres faisaient l'apologie d’une éducation centrée sur l’enfant ou l’apprenant. Ce qui signifie que l’enseignant est là pour les élèves et non l’inverse. Actuellement, j’ai l’impression que l’enfant est au service du système, de l’enseignant, du curriculum ou de son futur employeur. Étrange, puisque nous avons établi que l’enfant est déjà curieux et que c’est lui qui veut apprendre. Alors, pourquoi lui enlever ce désir? Pourquoi lui suggérer qu’il est là pour nous et non l’inverse? Comme dit Piaget : “On «n'enseigne» pas le développement intellectuel ni les structures du raisonnement; ils ne peuvent que se construire par la coordination des actions. Quand les enfants sont curieux, actifs intellectuellement, ils bénéficient d'occasions d'expériences et d'échanges entre eux, ont-ils besoin d'un maître ? La réponse à cette question exige qu'on se mette à la place des enfants: les adultes font partie, paradoxalement, de la réalité enfantine. Les enfants et les adolescents sont curieux (au moins de temps en temps) de ce que font, pensent et savent les adultes. Ces derniers constituent donc pour eux des interlocuteurs en même temps que des agents de transmission culturelle” (1)

Mais alors, que faire avec l’enfant qui ne démontre pas cette aptitude naturelle pour la curiosité et l’apprentissage?

Voilà que nous arrivons au prochain point...

(1) Allaire-Dagenais, L. (1983). Jean Piaget et l’éducation. Québec français, (49), 72–73.https://www.erudit.org/fr/revues/qf/1983-n49-qf1210776/55422ac.pdf