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Éducation

Etape finale (pour ce blogue) : L’évaluation

Karenne Friday December 29, 2023

Test (student Assessment)  

Il y a un courant de pensée qui dit qu’évaluer les enfants ne sème que la dissension, la mauvaise compétition et peut nuire à la motivation. Je ne peux pas être plus d’accord qu’une mauvaise utilisation des outils d’évaluation peut être néfaste. Cependant, j’ai eu une épiphanie lorsque j’étais à l’université. J’ai eu l’occasion de suivre un cours sur l’évaluation dans mon programme de deuxième cycle en pédagogie. Moi, qui ne voyais rien de bon dans l’évaluation, je suis devenue adepte des grilles d’évaluation! Le professeur avec qui j’ai fait mon stage au CÉGEP m’a même demandé de l'aider à élaborer ses grilles pour ses cours. Une évaluation formative et continue bien établie qui inclut l’élève est un outil indispensable. Comme le précise l’ouvrage de Hatie, l’évaluation doit inclure l’élève et surtout en amont. On oublie de demander à l’élève ce qu'il connaît. Une évaluation préalable de ses connaissances est révélatrice. Et L'élève doit pouvoir tracer son parcours pour qu’il puisse prendre le contrôle de son apprentissage. On souhaite que les élèves apprennent à apprendre, et prennent eux-mêmes leur apprentissage en main. L'évaluation ne se traduit pas forcément en note et en pourcentage, mais doit être faite régulièrement. Cela aide l’apprenant à comprendre ou il se situe dans son parcours et et surtout, à l’enseignant à savoir quelles notions sont comprises et acquises et quelles ont besoin plus d’être travaillées. L’enseignant profite de la même façon pour évaluer ses méthodes d’enseignement et voir si la matière a été bien comprise.

Je déplore le manque de temps que j’avais comme spécialiste de musique et le nombre infernal d'élèves que j’avais. Comment être efficace et suivre l'évolution de chaque enfant lorsque j’enseigne à plus de 300 élèves ? Comment développer des évaluations récurrentes et régulières avec les élèves lorsque je ne les vois qu’une heure par semaine ? Cette façon d’organiser l’enseignement fait en sorte que les enseignants se résignent à l’utilisation des méthodes qui sont désuètes et ne permettent pas de suivre l'évolution des élèves. Ça ne permet pas de transmettre les notions de façon adéquate.

Certains programmes ou écoles alternatives omettent l’évaluation au primaire. Je comprends bien cette mentalité puisque l'évaluation a souvent été utilisée de façon abusive. Lorsque j’enseigne la musique au primaire, je ne vois pas la pertinence d’évaluer les élèves de 1re et 2e années. Lorsque l’évaluation sert à concurrencer les élèves entre eux c’est qu’elle a perdu son sens objectif qui est de donner à l’élève le moyen de suivre ses progrès.

Souvent, la préoccupation des notes est exacerbée par les parents. Lorsque j'ai donné un projet à mes élèves de 3e année de fabriquer un instrument de musique, certains parents préoccupés m’ont écrit : "comment est-ce que mon enfant peut construire un instrument?", "Les élèves qui ont des outils ou que leurs parents aident vont avoir surement de meilleures notes…”, etc. Ce que les parents ignoraient était le but pédagogique du projet. Mon but comme enseignante n’était pas qu’ils réussissent à construire un instrument prêt à être vendu sur le marché et utilisé par des musiciens professionnels. Le but était d’explorer le son à travers différents matériaux. Les élèves pouvaient amener leurs matériaux à l’école et, ensemble, on a martelé, collé, bricolé et essayé de différentes manières pour créer du son. Avec une grille d’évaluation claire, les apprentissages recherchés explicitement communiqués aux élèves, seuls les enfants qui ne sont pas investis dans leur projet ont reçu une note plus basse que la moyenne. Même les élèves pour qui leur expérience n’a pas eu les résultats escomptés, mais qui étaient capables de décrire leur démarche ont réussi l’objectif pédagogique du projet. Donc, leur évaluation en tenait compte.

L’évaluation sert également à s’autoévaluer comme enseignante. Je veux savoir à quel point mon enseignement est compris par les élèves. Je dois constamment me renouveler, varier mes approches et remettre en question mon efficacité. Si je n’ai aucun moyen d’évaluer mon efficacité, je risque de ne pas rejoindre mes élèves et de stagner. Je milite davantage pour l’évaluation formative. Évidemment, je me rallie derrière la grande majorité d’enseignants et de spécialistes qui cherchent à abolir les évaluations ministérielles! Je n’aborderai pas le sujet ici sauf pour dire que c’est un fléau dans le système et un grand stress inutile pour les enseignants et les élèves. L’éducation est d’abord et avant tout pour l’apprenant et ne devrait JAMAIS être au service du système.

C’est utile pour l’apprenant et l’enseignant d’avoir une forme de suivi afin de constater l’évolution des apprentissages et de voir comment ils sont réinvestis. Ce sont souvent les parents qui cherchent à comprendre l’évolution de leurs enfants et réclament un système chiffré qui simplifie le processus pour eux. Lorsque le gouvernement a aboli les notes chiffrées, c’est suite aux cris des parents qu’il l’a réintroduit. Un chiffre ne donne pas une image claire ou complète du processus et de l’évolution de l’élève surtout dans les premières années de l’expérience scolaire de l’enfant. Trop souvent une évaluation chiffrée n’est qu’une source de stress, de comparaison et de démotivation.

Le sujet d’évaluation peut créer des factions puisque certains y tiennent mordicus tandis que d’autres le rejettent intégralement. Néanmoins, il y a tellement de façons créatives et variées d’effectuer l’évaluation. Le fait de réinvestir un apprentissage dans un projet ou une présentation est une façon de vérifier si les apprentissages ont été absorbés. Il y a une place pour l’évaluation, mais celle-ci doit être juste et axée sur l’apprenant ; elle sert tant l’enseignant que l’élève.