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Éducation

Conclusion

Karenne Friday December 29, 2023

 

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En conclusion, voici mes postulats:

1. Le système doit être repensé au complet : Il faut d’abord se demander pourquoi on doit enseigner et qu’est-ce que nous devons enseigner. Pour cela, il faut des gens courageux pour repenser le système, le pourquoi et le comment. Il faut comprendre que le système actuel est basé sur des principes capitalistes et qu’il n’est pas bâti pour servir l’apprenant. Si on prend au sérieux la mission de rendre l’apprentissage pertinent, accessible et efficace, il faut que la fondation du système soit basée sur ces principes. Nous ne pourrons plus continuer comme on l’a “toujours fait” dans le passé. Il y a eu trop d’ouvrages qui stipulent que le système d’éducation formelle, institutionnalisée et standardisée n'est pas au point alors pourquoi continue-t-on à faire du surplace ? On ne peut plus l’ignorer.

2. L’éducation doit être centrée sur l’élève : Il faut que nous arrêtions de penser que les enfants sont des sous-êtres qui ont besoin d’être corrigés et formatés. Dès que nous aurons enlevé cette notion de notre pensée, nous allons aborder les enfants d’une façon respectueuse, et nous allons engager ces derniers petits curieux dans le processus de leur formation. Autrefois, les femmes étaient considérées comme des sous-êtres, on a changé notre mentalité là-dessus. On est donc capable de changer notre perception de l’enfant. Cela nous amènera au postulat que l’éducation centrée sur l’apprenant est essentielle.

3. L’éducation est relationnelle : L’éducation est plus efficace lorsqu’il y a une bonne relation entre l’apprenant et l’enseignant. L’enseignant doit aborder son enseignement avec passion, et doit aborder ses élèves avec amour; un amour sain, juste et épanouissant.

4. L’éducation est une affaire de tous : L’école a été créée avant tout pour pallier le manque éducatif des parents, notamment en matière de mathématiques et d'écriture. Nous envoyons nos enfants à l’école pour de si longues heures que beaucoup de parents sentent qu’ils n’ont pas assez de temps pour s’occuper adéquatement de leurs enfants. Avec deux parents qui travaillent et mettent tellement d’énergie dans leurs occupations, ils sont débordés et ont de la misère à sortir leurs têtes de l’eau. C’est pour cette raison que je crois qu’une discussion sur l’éducation doit également inclure une discussion sur la société et nos priorités en tant qu’êtres humains.

5. Les besoins criants doivent être comblés avant d’être en mesure d’apprendre : L’école ne peut pas répondre à tous les besoins de tous les enfants. C’est impossible. Certains besoins sont trop grands et trop criants, c’est pour cette raison qu’il faut un partenariat étroit avec les parents et les autres organismes dans la société. L’éducation est plus efficace lorsqu’elle est appuyée par diverses sphères de la vie de l’élève et surtout la famille, comme le dit Bourdieu en parlant de l’Habitus. (1)

6. L’art et la nature devraient revenir au premier plan de l’éducation : La créativité est primordiale dans nos vies pour des raisons innombrables et accompagne la pensée critique. Notre société doit être plus créative et plus critique pour être en mesure de faire face aux défis. Également, nous ne pouvons plus prétendre que la nature n’est qu’un intérêt particulier de certains individus. C’est de ce dont nous sommes faits. C’est notre subsistance. Le manque flagrant de connaissance de base de ce qui nous entoure et ce qui constitue notre existence sur cette planète est déplorable.

7. L’enseignant doit évaluer et se réévaluer constamment : L’enseignant doit mettre l’apprenant au centre de son éducation et évaluer ses approches et son enseignement régulièrement. L’enseignant s’adapte et utilise une multitude de méthodes afin de livrer les notions de plusieurs angles. L’évaluation est un moyen pour l’élève de suivre son progrès et de comprendre ses lacunes. L’enseignement est un dialogue entre l’enseignant, les apprenants, et les apprenants entre eux.

Avec l’éducation, la société en générale doit aussi se remettre en question. Quand j'observe que tant d’adultes sont à bout de souffle, névrosés, stressés, sur des antidépresseurs, et tentent désespérément de joindre les deux bouts, je me demande : "Pourquoi ne pas changer les choses?" Trop souvent on dit : “C’est comme ça” “On ne peut pas changer le système” “Au fond, c’est ce qui fonctionne le mieux.” “J’aimerais changer les choses, mais comment?” Les choses peuvent changer, souvent lentement et avec un effort concentré.

Accepter le statu quo c'est de ne pas concevoir son rôle dans le tout, c’est abdiquer son pouvoir, c’est ne pas constater le pouvoir d’une collectivité, c’est nier que les choses peuvent être autrement et que le bien de notre civilisation est possible. Je prends énormément de leçons du peuple polonais, avec qui j’ai vécu pendant près de deux ans. Ils sont un peuple résilient. Leur histoire est remplie d’invasions, de malheurs et de tribulations et chaque fois ils remontent leurs manches et ne se laissent pas défaire. Après la Deuxième Guerre mondiale, le peuple s’est uni pour prendre les tas de briques qui constituent les vestiges des bâtiments de leur capital pour rebâtir la ville exactement comme elle était. Ils n’avaient presque plus de plans et d’images, mais ils ont reconstruit les anciens édifices à partir des décombres. À tel point que l’UNESCO reconnaît Varsovie comme étant un héritage mondial.

Les humains sont capables de rêver, de réaliser de grandes choses et de changer les choses. Un autre très bel exemple plus près de chez nous est la Révolution tranquille. Les Québécois ont décidé de se donner les moyens de se réaliser et de se défaire du contrôle de l'Église. Ils se sont dit qu’ils en avaient assez de l'oppression des Anglais. Ils se sont donné les moyens de bâtir des systèmes qui leur convenaient. J’ai beaucoup d’admiration pour le peuple québécois et je suis surprise de voir ce dont il est capable lorsqu’il se met à réfléchir et travailler ensemble. Je ne doute pas des capacités de faire autrement. Nous avons un bel héritage. L’éducation doit être un pilier pour bâtir une civilisation forte et épanouie. L’éducation existe avant que les systèmes l'eussent encadré dans des institutions. L'éducation doit être au service de l’âme et de l’esprit du peuple et non seulement au service de l’économie ou des systèmes en place. L’éducation doit être évolutive.

Je pourrais écrire davantage sur ce sujet. Je pourrais citer encore plus d’études qui traitent de l'éducation et qui réclament une réflexion profonde sur son rôle et la façon de l’aborder. Je pourrais raconter beaucoup plus d’anecdotes de mon expérience acquise en tant qu’animatrice et enseignante dans plusieurs pays. Je pourrais inclure un milliers d’histoires de professionnels œuvrant dans le domaine. Cela ne servirait qu'à alourdir l'œuvre. Je souhaite que cet ouvrage soit un échange d’idées. Je souhaite une vraie réflexion, un examen de conscience collective.

L’imagination est un agent de libération et nous permet d’évoluer en tant qu’espèce. Nous ne devons pas être satisfaits de faire les choses comme on a toujours fait parce que c’est comme ça ou ça nous paraît trop difficile de changer les choses. C’est un discours paresseux et fade. L’humain est capable de grandes choses novatrices et créatives lorsqu’elle s’en donne les moyens. Les Québécois ont prouvé maintes fois leur capacité d’amorcer le changement et de penser autrement. Être trop imbriqués dans un système qui ne permet pas le changement est nier notre capacité à grandir et innover. Tant que l’éducation sera conçue que pour accéder à différentes catégories d’emplois, à obtenir le “succès” dont les critères sont le pouvoir et l’argent, tant que l'éducation rime avec compétition capitaliste, le sort de l’humanité demeurera dans les mains des gens qui chercheront à dominer, à contrôler et à obtenir le pouvoir à travers la possession des objets et la domination. Tant que l’éducation ne fera pas vibrer l’âme de l’humain et l’aidera à vivre son plein potentiel en tant qu’humain, l’éducation continuera à servir certains élus qui profitent du système et des humains. Commençons par nous demander quel avenir nous voulons et quelle sorte d’humain nous voulons être. De là, nous pourrons bâtir une éducation riche, épanouissante et pour tous.

(1)“L’habitus désigne un système de préférences, un style de vie particulier à chacun. Il ne relève pas d’un automatisme mais d’une prédisposition à agir qui influence les pratiques des individus au quotidien” https://partageonsleco.com/2019/11/06/lhabitus-pierre-bourdieu-fiche-concept/