Et voilà. Ce qui est le plus déplorable dans le système c’est qu’on traite tout le monde comme s’il devait être pareil. Un système. Un curriculum. Une série d’apprentissages. Une méthode. Vingt élèves dans une classe et tous doivent être au même niveau au même moment! Dit comme ça, ça paraît absurde, mais c’est ça. Vingt petits êtres provenant de plein de milieux différents, avec une composition de chromosomes particulière à chacun, tous dans une classe organisée selon l’âge et avec un chemin de route singulier pour tous.
Nous en savons beaucoup maintenant à propos des multiples types d’apprentissage et d’élèves. On fait constamment des recherches et des ateliers là-dessus. Mais toutes ces recherches ont de la difficulté à se rendre sur le terrain et être appliquées. Un enseignant futé fera varier son style d’enseignement afin d’incorporer le plus d’élèves possible et de favoriser le plus de personnalités possible pour que la cognition se fasse sous différents angles. C’est possible. Mais, chacun a des intérêts différents, chacun à des besoins différents, chacun à une histoire différente, et même en sachant tout cela, on traite tous pareil. On enseigne tous de la même manière, la même matière. Tous les enfants ont droit aux connaissances, mais ce sont les instances qui ont choisi ce qui devait être appris. Alors tout le monde a le même menu. Cela assure une certaine uniformité et un accès universel aux connaissances. Cependant, considérant le temps que les enfants passent à l’école à avaler des connaissances que nous avons choisies pour eux, à suivre le rythme que nous avons établi, posons-nous la question: est-ce la meilleure façon de faire pour nos enfants et notre société?
À travers mes recherches et mon expérience, ce qui ressort pour que l’apprentissage soit efficace est que l'apprentissage se doit d’être autoguidé, autonome, et respectueux de l’apprenant pour lui permettre d’apprendre à son rythme. Ce n’est pas de nouveaux concepts. Ils sont rarement appliqués dans les écoles par manque de moyens, manque de formation et manque de volonté des instances. On peut se demander si une approche trop individualisée ferait en sorte que lors d’un projet collectif, les enfants aient de la difficulté à travailler avec les autres élèves. Vont-ils comprendre leur rôle dans le tout? Comprennent-ils qu’ils ne font que partie du tissu social ? Eh bien, oui. Les enfants dont leurs besoins individuels ont été satisfaits ont plus de facilité à participer à des activités de groupes parce que, justement, leurs besoins d’individus sont comblés. Ce n’est pas le fait d’être traité comme un individu qui rend un enfant égoïste. C’est le fait que ses besoins individuels ne soient pas comblés. Ce qui ne veut pas dire tout donner à l’enfant à tout moment. Il est faux de penser qu’une approche qui favorise l’individu rendra les enfants égoïstes. C’est ce qu’on reprochait souvent à Françoise Dolto, psychanalyste qui prônait l’individuation de l’enfant. Elle ne préconisait pas de faire tout ce que l’enfant voulait ni de tout faire pour l’enfant, au contraire. Selon elle, un enfant a besoin de l’attention, d’avoir ses besoins primaires comblés, mais un de ses besoins est aussi de réaliser qu’il est capable de combler ses propres besoins et de réussir des tâches pour devenir autonome.
Cela inclut les activités collectives. C’est important de travailler ensemble pour réussir un projet. Il est également démontré que l’apprentissage par les pairs est efficace. Le but n’est pas d’isoler l’élève ou de lui donner un curriculum juste pour lui. Mais, il faut remettre en question l’apprentissage standardisé qui se fait par niveau dans lequel tous les apprenants doivent suivre le même rythme avec le même curriculum et les mêmes attentes. Certaines écoles alternatives sont organisées par cycles de trois ans formant des classes multiâges. Cela nécessite une organisation et une approche particulière que les enseignants doivent adopter. En même temps, ça permet aux enfants d’avancer à leur rythme, d’aider d’autres enfants, de développer un sentiment de communauté et leur donne plus de stabilité puisqu’ils suivent l’enseignant pendant plusieurs années. Comme l’expliquent ces enseignants :
…les élèves développent un sens de la communauté ainsi que de l’entraide et apprennent les uns des autres lorsqu’ils s’aident. L’enseignant n’est plus la personne ressource première de la classe… Enseigner dans une classe multiâge rend évidente la nécessité d’offrir aux élèves des situations d’apprentissage ouvertes qui permettent de répondre davantage à leurs besoins. Ces situations ouvertes augmentent leur motivation. (1)
En sachant tout cela, on se demande quelle est la situation pour accommoder les différences et optimiser l’apprentissage en tenant compte des individus. Est-ce que ce serait d’avoir de petites écoles spécialisées partout, pour tous les goûts et les personnalités? Serait-il d'avoir plus de programmes individualisés? Parfois, se regrouper par intérêt est utile, intéressant et aidant, d’autre fois, la diversité est ce qui fait la force. Peut-être c’est une combinaison des deux qui est mieux, d'être avec ceux qui nous ressemblent et aussi d’être confronté à l’autre. Parfois, lorsqu’on est exposé à quelque chose de nouveau, et qui nous sort de notre zone de confort, ça ouvre notre horizon. Au contraire, lorsque l’on est trop aliéné, on ne se sent pas à sa place en compagnie de gens différents de nous et on n’exécute pas bien. Tous mes enfants ont choisi leur école secondaire pour mieux refléter leurs besoins et leurs intérêts. Cela a fait en sorte que chacun de mes enfants a eu une belle expérience au secondaire. Ils se sentaient dans leur élément, et chaque école a apporté quelque chose de positif à son parcours. J’ai vu ça comme une étude de cas, où j'ai pu observer 4 façons d’organiser l’éducation au secondaire et contempler les pour et les contre de chacun.
(1) Lajeunesse, Claudine, Mylaine Fournier et Jean Archambault. La classe multiage pas choix , Vie pédagogique 132, septembre-octobre 2004. p.53